• Alors, vous me voyez grogner ici à propos des sages-femmes bouh elles sont méchantes, bouh bouh bouh. Vous me voyez peut-être pester à propos des patientes, bouh quelle idée pour une femme enceinte de débarquer à la maternité pendant l’heure du café. Vous me voyez également ronchonner à propos de la gestion de la santé et des conditions de travail, boooouh comment on fait lorsqu’on a une poche ventrale et 3 téléphones ?

    Mais nous vous inquiétez pas, je hais également les étudiants sages-femmes. Plus certains que d’autres. Notamment ceux qui vont au crit’ pendant que je suis en garde ^_^ mais plus particulièrement ceux qui sont extrêmement zélés qu’on dirait qu’ils se jetteraient dans un gouffre rempli de crocodiles pour faire plaisir à la sf. Ils arrivent le sourire aux lèvres mais il te semble bizarre. Distribuent les situations en te faisant un faire un pseudo choix mais ils s’arrangeront pour avoir le truc dans lequel ils se sentent le plus à l’aise. Et tu les vois déambuler pendant la garde « dis sf je vais changer le Ringer ok? » « Oh t’as pas de stylo rouge attends » *court court, saute et glisse sur toute la longueur de la table pour atteindre la main de la sage-femme orpheline de stylo rouge*. Puis ils essayent de faire des blagounettes, pas avec toi hein, avec la sage-femme. En fait ceux sont des étudiants idéaux, ils travaillent, sont sympathiques, attentifs aux patientes…sauf que ça sonne faux, ça horripile. J’exagère peut-être, mais si certaines personnes dégagent quelque chose de bizarre, de pas tout à fait honnête, c’est qu’elles ne le sont pas.
    Alors objectivement on ne peut pas leur reprocher grand-chose, mais moi qui suis à côté je passe pour quoi? La méchante étudiante qui n’a pas pu faire un semi-marathon doublé d’un saut en longueur pour passer un stylo parce que j’étais soit occupée avec « ma » femme, soit entrain de faire mon partogramme? Je fais clairement moins de bruit et de rond-de-jambe. Ca me gave et ceux qui en font me gave. Je n’en suis pas pour autant plus désagréable.

    Je ne sais pas, peut-être ais-je tord? Et puis on nous bassine assez qu’il faut être tolérant…oui on nous le bassine mais en vrai qui l’applique? Je sais, c’pas une raison.


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  • Lorsqu’on débute dans la formation, par définition, on ne sait rien. Au fur et à mesure nous sommes censés acquérir des connaissances cliniques et théoriques fiables. Pour tout vous dire, ce n’est pas forcément évident d’être sûr de soi, surtout face aux vraies sages-femmes avec de vrais morceaux de diplôme dans leurs poches.

    Très vite je me suis faite reprendre sur mes « je l‘ai examiné je crois qu’elle est à dilatation complète ».  On me répondait ben elle l’est ou elle ne l’est pas. A ma charge de décider. Petit à petit on s’aguerrit et ça devient plus facile. Je deviens plus solide sur mes examens et peut discuter d’éventuels désaccords avec la sage-femme.

    Il est d’ailleurs d’une petite anecdote qui m’est arrivée et m’a rappelé le chemin déjà parcouru. Une femme se présente aux urgences, je la reçois, et vient à palper le bidou pour distinguer comment le bébé s’est placé. Il me semble sentir le plus du dos en avant plutôt à gauche (c’est important pour ensuite trouver le foyer cardiaque qui sera du coté du dos, près de l’épaule). La sf arrive , palpouille également, je lui dis que j’ai un dos à gauche, elle me répond à droite. Je me dis zut, j’ai pourtant bien senti. Je prends le stéthoscope de Pinard (oui on aime bien chez nous) et regarde la sf en lui annonçant que je vais quand même poursuivre dans mon idée initiale. On verra bien. Je pose le stétho là où j’imagine qu’on entendra le cœur. Miracle, j’ai l’impression de sentir les petites vibrations rapides d’un cœur de bébé. Mais bon, c’est le Pinard hein, c’pas comme un stétho classique, on peut facilement croire entendre des trucs. Je prends l’appareil à ultrasons et le place au même endroit. Joie, on perçoit les valves cardiaques clapoter gaiement.

    Alors pourquoi raconter ça? Pas pour dire booooouh la sf s’est trompée, j’avais raison. Mais simplement pour dire: ouéééé j’ai eu confiance en mon examen clinique (à juste titre). Et c’est quand même important. On a souvent beaucoup de raisons de douter mais à un moment il se décider en se basant sur quelque chose de solide. Il y a quelques temps j’aurais surement suivi l’avis de la sf au lieu de celui que j’avais élaboré.

    Certes, sur une histoire de position du dos fœtal on s’en fous un peu et je ne vous raconte pas le diagnostic du siècle, mais je ne suis qu’une pauvre petite étudiante vous savez. Néanmoins, la confiance en soit est importante et j’imagine qu’elle doit s’installer au fur et à mesure des expériences plus ou moins favorables.   Reste ensuite à trouver le juste milieu entre pas sûr et complètement fermé sur ses convictions.

    Ca change de la fois où je doutais de mes bruits du coeur négatifs...


    A part ça, pas grand chose à voir mais comme on est dans la minute d’auto-satisfaction, une madame m’a dit il n’y a pas longtemps qu’elle me voyait bien dans ce que je faisais. Ca fait toujours plaisir. Je ne le fais pourtant pas exprès.

     

    * dire que je paie des gens pour la réalisation du titre de mes articles...


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  • les sages-femmes.

    Vous le savez, en ce moment le monde va mal, la santé va mal, on va tous crever. Et le pire, c’est qu’il nous arrive même de mourir dans le lieu le plus sûr du monde dédié à la anéantissement des maladies les plus incurables, non je ne parle pas de Lourdes, mais de l’hôpital. Oui ma bonne dame, le scoop ces derniers temps c’est qu’on meurt à l’hôpital. Fichtre.
    Heureusement, des gens supérieurs prennent soin de nous et se creusent la tête pour faire une loi, la loi « Hôpital Patients Santé et Territoires ». Je n’ai nulle envie de décortiquer le projet, son avancée de l’Assemblée, au Sénat puis re-Assemblée. Je pourrais…mais j’ai autres choses à dépatouiller en ce moment. Et puis de toute façon, de notre avis, on s’en fous. Prions en attendant 2012.

    Je vais néanmoins revenir sur une idée qui apparemment se concrétisera, celle d’ajouter aux sages-femmes des fonctions de prévention et de suivi gynécologique en dehors du cadre de la grossesse: prescrire la contraception, faire les frottis…en fait faire ce qu’on fait déjà mais en l’élargissant à toutes les femmes. On pourrait sauter de joie, en criant notre bonheur que les grands de ce pays nous considèrent comme des professionnels compétents et non comme une bande de pigeons cannibales. On pourrait… Ce serait occulter que les gynécologues médicaux sont voués à disparaitre à plus ou moins long terme, que les généralistes vieillissent et qu’il est bon de refiler le truc que personne ne veut à une gourdasse payée 17 euros la consultation (contre minimum 25 euros le gynéco et 22 le généraliste) en quête de reconnaissance. Le trou de la Sécu se trémousse les parois.

    Elargir notre rôle, après tout je ne suis pas contre, encore faut-il qu’on puisse jouer celui qui nous est propre: la prise en charge des grossesses physiologiques. Actuellement, combien de grossesses normales sont suivies par des sages-femmes? Et par des médecins ? Je ne sais pas mais je pense pouvoir dire sans trop me tromper que le pourcentage n’est pas en faveur des sf. Est-il normal que certains hôpitaux refusent d’ouvrir des consultations sages-femmes? Et quand elles sont crées pourquoi une femme n’est pas toujours suivie par la même sage-femme ? Et puis, lors d’une grossesse pathologique, quel professionnel une femme va voir le plus ? Un médecin ? Noooooon. C’est un(e) sage-femme qui  fera la surveillance rapprochée sous prescription. J’ai comme l’impression d’un monde à l’envers. Surement la faute à la Crise.

    Alors on peut espérer qu’en étant plus présent(e)s dans la vie gynécologique des femmes ces dernières auront plus le réflexe « je suis enceinte, je vais voir une sage-femme ». Peut-être…mais est-ce le moyen le plus juste pour y arriver? Moi je m’en fous plus ou moins de la gynéco médicale et ça me ferait mal de faire le même boulot qu’un gynéco parce que ça arrange tout le monde d’avoir de la main d’oeuvre qualifiée à bas prix. Bizarrement là on se souvient que les sages-femmes existent. Puis, c’est autant de temps qu’on ne passe pas à faire notre vrai métier. D’ailleurs, essayez de trouver un cabinet de sage-femme qui arrive à subsister en faisant des consultations sa principale activité. La cotation de la consult', même revalorisée ce n'est vraiment pas le Pérou. Alors on enchaîne les séances de rééducation, les cours de prépa, utiles certes, mais on devrait pouvoir vivre de n'importe laquelle de notre activité.


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  • Un jour j’ai travaillé avec une sage-femme expérimentée. Elle aimait bien les étudiants et les autres sages-femmes tremblaient devant son savoir. Elle essayait je crois de me semer. Je suivais plusieurs parturientes avec deux sf différentes, c’était donc plutôt facile pour elle. J’accompagne alors cahin-caha le travail de cette femme, tantôt par procuration, tantôt activement.
    Vint le moment de l’accouchement, elle mets les gants, s’installe et fait semblant de ne pas me voir. Je me dis ok, elle m’a quasi ignoré tout du long, je vais la laisser faire en solo hein, pas envie de me battre pour un accouchement d’une femme qu’elle connait au final plus que moi. Je décide donc de rester en retrait et de faire la délivrance dirigée (injecter de l’ocytocine lorsqu’une épaule du bébé se dégage  pour limiter le risque d’hémorragie de la délivrance par atonie utérine). Accouchement bien, la sf se barre, le placenta arrive et je mets donc les gants pour faire la délivrance.

    Pour la délivrance je ne suis en général pas plus interventionniste que pour l’accouchement. Une fois le placenta décollé je demande à la femme de pousser et laisse le fond utérin tranquille. A quoi bon de faire de l’expression (appuyer sur le ventre en prolabant un peu tout), ça marche bien comme ça. Si les membranes s’amusent à faire de grands voiles, j’enroule, et s’il ne reste qu’un petit filet, je tracte doucement avec une pince. Puis voilà.

    Donc, la femme se délivre, je récupère le placenta et plein de caillots coincés dans les membranes. Je n’aime pas les caillots, c’est moche, on dirait du foie frais, et moi le foie je ne l’aime que gras ou cirrhotique. La sf arrive, je tripote le placenta pour vérifier que j’ai tout récupéré et derrière moi j’entends le glouglou d’une petite rivière. La salle de travail ne se trouvant pas en pleine nature parmi les fleurs et les chevreuils je me retourne et vois une petite source de sang qui se collecte dans la poche de recueil. Pas les chutes du Niagara hein, mais assez pour faire glouglou quand même. Je vérifie l’utérus qui est tonique, prends rapidement le pouls, la tension, mets la perfusion de Ringer à fond et  jette un œil sur les réserves de Voluven. La sf me demande de sonder (une vessie plein peut empêcher la bonne rétraction de l’utérus). Il y avait besoin mais ça coule toujours. A ce stade, moi petite esf qui ne connais pas la vie, j’aurais fait une révision utérine pour le débarrasser des caillots qui se sont surement accumulés, la femme ayant une péri, pas besoin d’anesthésie générale. Devant l’hémorragie modérée la sf préfère faire de l’expression pour éviter la RU. Elle appuie, sang+++. Elle re-appuie, sang, caillots+++, etc…On vérifie la poche de recueil, elle re-re-appuie et au final elle vide l’utérus comme ça. On commence à voir le col s’extérioriser  sous la pression et comme on ne ramène plus de caillot, que ça saigne moins, on arrête. Au final, la femme aura perdu un peu plus de 500cc, c’est donc  bien une hémorragie mais modérée. La sf est contente d’avoir évité une révision utérine, geste invasif à risque infectieux (qu’on prévient avec des antibiotiques) que personne n’aime pratiquer. Mais à quel prix ?
    Loin de moi de critiquer la décision de la sf, je ne suis pas qualifiée, et puis, elle est si forte. Je sais juste que l’expression utérine est un geste traumatique et que les services de gynécologie sont remplis de femmes opérées pour prolapsus. De deux maux, choisir le moins pire, je n’en ai pas discuté avec la sage-femme, après avoir couru derrière elle toute la journée, je ne le sentais pas. Et puis elle insistait sur le fait que j’apprenne à faire les papiers.

    Au final, si on me demande ce que j’ai retenu de ma mini-hémorragie, je répondrais : le glouglou. Un son mignon, joli, frais, et choquant lorsqu’il est dû à un écoulement sanguin. J’imagine le malaise lorsqu’on retrouve un débit beaucoup plus important que ce que j’ai eu.

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  • L’esf est un être tout-terrain, il travaille de jour comme de nuit, parmi les chamalows colorés ou les flammes de l’enfer qui lèchent les orteils. Si le jour se déroule de manière relativement prévisible, la nuit, tout se mélange, se chamboule, l’hôpital se transforme en un parc d’attraction vitale. Tadaaaa.
    En fait, la nuit c’est comme le jour sauf qu’on vient beaucoup moins t’embêter et que des fois tu dors. Si les sages-femmes ont souvent un petit recoin douillet pour faire de beaux rêves, l’esf lui s’adapte. Diverses solutions s’offrent à lui :

    - Si t’as grave assuré et que tu fais preuve d’un charme dévastateur, tu peux te glisser auprès de ton mentor diplômé. Un matelas pour deux, un couverture pour deux, un pantalon sans bouton ni braguette, voilà ta conception de l’écologie.

    - Si tu évolues dans une équipe mentalement équilibrée et humainement qualifiée, on te proposera de squatter une chambre vide. A toi le lit électrique, la pile de Voici, ta bière et ton kebab. Au loin t’entendras les sonnettes, mais le temps que tu te lèves, que tu te chausses et que t’avances péniblement tes petits compagnons auront déjà sauté sur le travail à faire sans même te reprocher de ne pas te déplacer à la vitesse de la lumière. Tu repars alors te coucher le sourire aux lèvres.

    - Si tu apprends ton métier au sein d’une équipe d’aventurières, elle te proposeront d’aller te reposer dans la salle d’examen. A toi la table haute et étroite et les étriers que t’auras pris soin t’abaisser pour ne pas te cogner. Tu essaieras d’oublier doigtiers, écouvillons de prélèvement et autres spéculum dormant près de toi.

    - Si tu as la chance de partager ta nuit avec une équipe pour qui l’esf est tantôt transparent, tantôt une main qui pique, monitore, cote les actes, on ne te proposera rien. Tu resteras seul dans la salle de repos à manger un triste biscuit pour chien (ou apparenté), puis dépité t’iras chercher draps et couvertures pour te faire un lit de fortune à même le sol que t’espère propre. La technique étant de chercher la pièce la plus chaude du service parskeu….ça caille vite.

    Pour vous, et rien que pour vous, j’ai testé trois des quatre solutions énoncées, saurez-vous reconnaitre l’intruse ?

    En pratique, je n’aime pas dormir la nuit à l’hôpital, j’ai l’impression de n’être là pour rien et que je serais bien mieux dans mon vrai lit. De plus, je déteste me coucher en sachant que je pourrais être réveillée n’importe quand, pour n’importe quelle raison, urgente ou pas. Mais, je vous rassure, ce n’est pas si souvent qu'on ferme les n'oeils. La plupart du temps, la maternité en nocturne permet de se recentrer sur les patientes sans être parasité par le fourmillement humain de la journée...et pas d'être payé à ne rien faire. (zut alors)


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