• Areuh Areuh.

    Il ya quelques temps maintenant j'étais en stage en salle de naissance dans un petit coin sympa. Là bas j'ai rencontré une sf d'un genre un peu inconnu: celle qui te laisse faire absolument tout toute seule comme si tu étais déjà diplômée. Assez destabilisant au début, je me retrouvais donc à prendre les décisions du style on l'amène en salle, on rompt (ou pas) on synthote (ou pas), on rameute tout le monde pour l'accouchement (ou pas), on spatule (ou pas). Et quand pas très sure je lui demandais conseil, elle me répondait ah ben c'est toi qui vois je suppose quand même qu'elle ne m'aurais pas laissé faire de trucs complètement abérants. Elle ne mettait pas les gants à l'accouchement et ne m'embêtait même pas à me stresser derrière.

    Avec elle, j'ai fait une garde complètement pourrie...nous avons eu un accouchement cool au tout début, une femme ayant déjà accouché plusieurs fois qu'on a installé en salle puis qui a rompu la poche des eaux et le bébé est sorti avec l'eau du bain. C'est le genre d'accouchement que j'aime, on ne fait pas grand chose hein, on retient la tête et sans la péri ça fait quand même une différence, on ne casse pas la table, on ne met pas les étriers (pas le temps puis ça marche très bien ainsi), et à la fin on a un périnée intact (enfin on l'espère parce que ça va avec le kit accouchement sympa). Après...que des problèmes. Des troubles du rythmes, des forceps sur des mères agitées que t'arrive pas à raisonner, des mamans seules qui ne parlent pas français qui ont mal avec qui t'as bcp de mal à communiquer, de l'obstétrique moche. On quitte la garde en se disant qu'on a fait un boulot assez nul, qu'on a pas réussi à instaurer une vraie communication avec les patientes, j'avais un arrière goût d'obstétrique vétérinaire dans la bouche.
    Durant toute cette garde la sf me répétait plus beau métier du monde, tu parles. On collectionnait les situations tristes, les accouchements "difficiles".

    Pour le moment j'avais plutôt été épargné des choses moches, et puis ça m'est retombé dessus. Le truc le plus horrible en date étant sans doute une mort foetale in utéro découverte dans le service par...moi. La femme était hospitalisée pour divers problèmes, avec les dopplers à l'échographie on avait vu que le bébé était très mal vascularisé, bref le contexte était là, on discutait d'une IMG. Le matin je vais donc voir toutes les patientes en me disant que ça me mettra dans le bain (une évaluation clinique m'attend à 13h). Puis j'arrive à cette chambre. Je pousse la porte, fais comme si de rien était mais je sens déjà ce qui va nous tomber sur la gueule (j'avais vu les dopplers plus que moyens la vieille). Je fais l'examen clinique toussa puis je cherche les bruits du coeur...je ne capte que la mère (je lui prends le pouls en même temps, les battements sont exactement superposables). Je ne suis pas sure de moi, je sais juste que je capte la mère, mais le coeur foetal se "cache peut-être". Je cherche un peu partout, toujours la mère. Je ne lui dis pas que c'est elle, je ne lui dis pas que je ne trouve rien d'autre, je ne suis pas sure de moi. Elle entend un son plus lent que d'habitude, elle comprend que quelque chose ne va pas. Je quitte la pièce en la laissant dans le flou et vais à la rencontre de la sf. On lui fera une échographie qui montrera l'absence d'activité cardiaque du foetus. Pendant que moi, j'étais partie à mon éval'.
    Ca me dérange de l'avoir laissé dans le vague comme ça j'imagine que le doute doit être terrible. Mais que pouvais-je dire? Au fait je capte pas votre gosse, je vais voir la sf hein, on fera ptete une écho pour voir. On s'attendait à devoir pratiquer une IMG devant l'état maternel qui s'empirait, et l'état foetal qui n'était pas bon. Une mort naturelle arrangeait presque les choses. Du coup je suis restée comme une conne avec mes bruits du coeur négatifs et les gens résignés autour de moi qui disaient aaaaah oui faudrait prévoir une écho, et moi, incertaine.
    Je n'ai pas pu être là quand on lui a dit qu'on allait faire l'écho...j'étais à mon éval...j'aurais bien aimé, quand on commence un truc c'est bien de le finir. Je ne l'ai revu qu'à mon retour en milieu d'après midi. Elle était soulagée d'avoir éviter l'IMG, le foeticide et tout ça...triste bien sur que son foetus soit mort.

    Durant ce stage j'ai repensé plusieurs fois à cette sage-femme et à cette phrase d'une niaiserie intense. Je la trouvais déjà débile à mon entrée à l'école. Le plus beau métier du monde, c'est pas idiot, ça n'a juste aucun sens.


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  • Etre esf c'est un peu comme...rien. Je ne vais pas chouiner sur notre piètre condition d'esclave à faire les papiers, faire les dossiers, faire les bonnets, voir les patientes pendant qu'une odieuse sf tortionnaire part fumer et boire le café toutes les 5 minutes, est payée 785856545634 euros par mois et nous...rien...ou 80 en troisième année, ou plus en quatrième.

    Non je ne vais pas chouiner parce que ce n'est pas toujours comme ça et que parfois on s'y fait même. Alors je pourrais dire qu'être esf c'est l'éclate total, qu'on est entouré 13h sur 24 d'sf sexy qui nous aident à faire les pleins dans la réserve et plus si affinité, de médecins charmeurs et d'internes rieurs. Mais ce n'est pas non plus la majorité des hôpitaux (la vie c'pas gray's anatomy).

    Alors être esf c'est un étudiant un peu comme les autres mais pas tout à fait. Pas tout  fait car quand il part en cours il a l'impression d'être en vacances...jusqu'à ce qu'il se rappelle comment l'école fonctionne. Quand il part en stage on le retrouve tremblant dans les vestiaires, jusqu'à ce qu'il se rappelle qu'il ne verra même pas la journée passer.
    L'esf est imperméable. Imperméable à la nourriture qui ne comblera que rarement son estomac, imperméable aux solicitations vesicales qu'il n'entendra même pas, imperméables aux divers liquides biologiques, imperméables aux diverses remarques motivées par le stress intenses de ses pairs.

    A la fin, l'esf veut simplement qu'on lui foute la paix, qu'on le laisse travailler comme il le veut, qu'on le laisse apprendre dans la joie et les barbapapas, qu'on le laisse boire comme une taupe plus qu'aveugle face à un lac de bière, qu'on le laisse rigouler avec ses keupins tout en enchainant les dossiers. Alors, l'esf sourira.

    Avant de s'endormir l'esf pourra au choix, pleurer d'avoir fait que des conneries (notamment tué un bébé en lui ayant donné de la vitamine K avec de l'air dedans...ce n'est que le lendemain matin qu'il comprendra que de l'air dans une seringue que l'on donne à boire ce n'est pas comme de l'air dans un truc qu'on injecte), sourire comme un benêt car pour une fois on lui aura laissé faire un accouchement tout sans la piteuse excuse du scuz moi c'était une primi alors tu comprends, scuz moi elle n'avait pas de péri, scuz moi c'était un macrosome, scuz moi c'était un tout petit. Ou s'endormir comme un narcoleptique (la faute aux sf sexy, médecins charmeurs et internes rieurs ci-dessus).

    Article connexe: etre étudiant infirmier

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