• Il y a quelques mois, j’étais étudiante infirmière. J’en avais marre, mais je me berçais encore de douces illusions. Je me disais que moi je ferais comme ça, et que tout serait bien cadré, et que je resterais zen en toutes circonstances. Enfin bref, je serais une infirmière formidable !

    Maintenant, je travaille à l’hôpital. J’ai une magnifique équipe autour de moi, des médecins plutôt sympas et accessibles, des collègues infirmières toujours prêtes à me filer un coup de main si besoin et à déconner avec moi, des collègues aides – soignantes sans qui ma vie serait littéralement un enfer (je vous zaiiiiiime les AS!!!!), et des étudiants infirmiers qui me font prendre conscience de l’envers du décor.

    Je suis pas déçue, j’aime encore plus ce que je fais que quand j’étais étudiante, j’aime mon service, les patients dont je m’occupe et le fait de ne jamais m’ennuyer.

    Ce que je trouve flippant, c’est que je suis responsable maintenant. C’est moi que les patients, les médecins, les familles viennent voir. Moi, moins de 25 ans, moins de 6 mois de diplôme. La réalité me tombe dessus. Alors je fais de mon mieux. J’avoue, je perfuse plus « en technique », j’ai parfois (souvent) pas le temps de parler aux patients pendant une demi heure, je ne fais pas confiance aux étudiants, 3e année ou pas. J’essaye toujours d’être une infirmière formidable que tous les patients aiment, mais c’est plus dur que je ne pensais. Faire de mon mieux, c’est déjà bien je trouve.

    Toutes mes illusions sont tombées. Non, je ne peux pas faire mon métier comme je voudrais, parce que j’ai 16 patients sous ma responsabilité, qu’il y en a des vieux, des jeunes, des hystériques, des psychotiques, des déments qui s’arrachent les perfs, des exigeants… Et que je peux perdre patience lorsqu’on me demande à quelle heure je finis et que je répond que je devrais déjà être chez moi depuis plus d’une heure, mais que bon, j’ai pas envie que ma collègue me haïsse parce que 6 cathéters ont décidé de sauter en même temps , qu’il y a une transfusion en cours et que la patiente du 12 a choisi de faire une crise de larmes, et que ça fait partie de mon job d’aller la consoler.

    Et pendant que je lui tiens la main, je regarde l’étudiante partir vers son week end (que je vais passer à l’hôpital pour ma part), et je me dis que finalement c’est normal que je ne me sois pas rendue compte de l’envers du décor il y a quelques mois.

    J’avais la responsabilité en moins.

    Je n’avais pas pensé que le soir en rentrant chez moi, j’allais revoir ma journée dans ma tête, me demander si je n’avais pas oublié telle ou telle chose, téléphoner à l’infirmière de nuit pour me rassurer.

    J’avais pas pensé que j’allais flipper en signant la feuille de transfusion, parce que malgré mes multiples contrôles ça me fait quand même trembler de brancher la poche de sang au bras du patient (en gardant le sourire, parce que lui il doit pas avoir peur).

    J’avais pas pensé qu’il faudrait que je passe derrière les étudiants, parce que maintenant je suis responsable d’eux et des patients dont ils s’occupent.

    J’avais pas pensé que ça me toucherait à ce point, que je m’attacherais à certains patients à ce point.

    J’avais pas pensé qu’un simple travail serait si présent dans ma vie, dans ma tête et dans ma conscience.

    Mais bon qu'est-ce que ça me manquerait si il n'y était plus!


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