• Les Vieilles Bricoles de Knackie reprennent certains textes courts écrits du temps où j'étais jeune, dont certains s'inspirent librement de mes expériences au contact du monde médical. Ils trouvent ainsi une place nouvelle, et peut-être, un regain de fraîcheur.

    J'ai eu des cours bien inutiles, le pompom étant surement ceux de sexologie nous débitant des débilités si débiles... J'ai également réalisé un mémoire, avec une étude et tout et tout... bien moins drôle que celui ci-dessous.

     

    Le mémoire - Cursus, sexologie

     

    Je suis étudiante en sexologie. Ma situation prête à sourire du moins d’après les histoires des piliers de bars. Dans l’amphi j’apprends le sexe et sa logique. Il n’y a bien que d’antiques professeurs pour trouver cohérence raisonnée aux concupiscences du bas-ventre.

    Etudiante en sexologie cela constitue mon parfait alibi. Je dois rendre mon mémoire de fin d’études sous peu et l’objet de mon enquête n’est autre qu’un sujet de conquête. Elle s’appelle Philomène, flirte avec la trentaine, et parle souvent des plages de Guinée Equatoriale. Au premier regard je sortais mon bavoir. A l’époque j’aurais surement chaussé mes gros sabots pour l’inviter à user de mon clic-clac grand confort. Aujourd’hui je sais, l’approche frontale fait fuir la partenaire convoitée qui dans un contexte de non réceptivité voit la tentative de séduction comme une agression. Schobner le décrit fort bien.
    Alors, tact et délicatesse permettent-ils de trouver maîtresse? Point d’étude randomisée, juste Philomène, sa peau dorée et des nuits passées sans sommeil.

    Tout d’abord, s’approprier la routine de l’adversaire. Son capuccino de onze heures allait être l’occasion d’entrer en communication. Je découvre ainsi que sa bouche présente intérêt aussi bien de loin que de près. Nous conversons, gentiment, calmement, ne pas me trahir.
    Je lui apprends mes activités de future diplômée. On s’en doutait, elle est amusée. Les soirs arrivent et je les passe avec elle, son groupe d’amis, ses mètres de bières. J’adore les fins de soirées où l’alcool sert d’excuse idéale à quelques gestes qui sinon seraient déplacés.
    J’annonce à Philomène mon projet d’en faire mon devoir de faculté. J’oublie cependant de préciser que mon dessein va plus loin. Flattée elle se met à me parler de ses histoires plus ou moins bâclées, de ses hommes toujours trop ou plus assez. Seconde leçon, courtiser l’égo de l’être visé.

    Je ne lui dis pas que je serais bien meilleure que tous ces amants inachevés. Néanmoins je le pense assez fort pour que mes mains côtoient ses reins. Elle ne proteste pas mais s’éloigne remplir son verre. Ne pas revenir à la charge. Oublier sa nuque longue et dégagée, feindre l’indifférence devant ses formes vallonnées. Darwin, Freud, Malinowski, donnez moi la force ! Je bafouille quelques mots dignes de « ce soir j’ai piscine » pour m’éclipser.

    Je la laisse reposer et ce n’est que quelques jours après que je la croise à onze heures auprès d’une certaine machine à café. Elle me sourit. Lui aurais-je manqué ? Elle me parle et je n’écoute pas, trop occupée à me demander ce qu’elle pourrait penser. Je décide de fixer la racine de son nez. Je vois alors que toute la lumière y est concentrée. Etrange, voici donc le point central de son visage à partir duquel se dose chaque partie. Je veux en apprendre plus, et sans m’en rendre compte je m’approche si près qu’il se pourrait que mes lèvres effleurent les siennes. Du moins je le crois…Est-ce que cela s’est produit ? Je ne suis pas sure. Je quitte son nez pour une vision plus globale. Je ne décèle pas d’air courroucé, pas de marque d’étonnement. Ai-je rêvé ? Peut-être pas car la voilà qui me demande d’aller chez moi.

    Ce jour-là un clic-clac grand confort livra bataille puis fut laissé pour mort par une étudiante en sexologie qui dans tous ses livres de théories pourra tamponner la mention « Lu et Approuvé ».


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  • Les Vieilles Bricoles de Knackie reprennent certains textes courts écrits du temps où j'étais jeune, dont certains s'inspirent librement de mes expériences au contact du monde médical. Ils trouvent ainsi une place nouvelle, et peut-être, un regain de fraîcheur.

     

    Elle voudrait arrêter de fumer

     

    Mes yeux s’attardent sur ses ongles cassants et jaunis. Nous parlons de tout et surtout de rien, elle voudrait arrêter de fumer. Chacun de ses doigts sont aussi larges que deux des miens et sa main rouge aussi gonflée qu’un mollet thrombosé. Elle garde son blouson Décathlon et me parle du futur papa, tout le monde chez elle veut bien faire pour l’arrivée du bébé. Mon regard monte vers ses poignets aux veines incendiées, elle me raconte qu’au travail on a déjà aménagé ses journées.

    Elle a d’elle-même décidé de diminuer les doses de son substitut à l’héroïne, pensant bien faire. Trois jours pas faciles où son corps et son habitant ont enchaînés les grands huit. Un peu comme si on vous scotchait devant Cauet, sur un siège en rotation, dans une pièce où raisonne son rire benêt.

    Elle voudrait arrêter de fumer mais sa chair entière rejette le Subutex qu’elle s’injecte. L’eau sale et la poudre censée s'avaler détruisent les veines qu’elle a de plus en plus de mal à dénicher. Elle me dit que le geste se révèle aussi addictif que la molécule et le matin elle trouve ses mains très enflées... Elle sait qu’il serait préférable de gober ses comprimés.

    D’un trait, je raye « prendre consult tabaco » de mon carnet.


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  • J'inaugure une nouvelle rubrique, Les Vieilles Bricoles de Knackie qui reprend certains textes courts écrits du temps où j'étais jeune, dont certains s'inspirent librement de mes expériences au contact du monde médical. Ils trouvent ainsi une place nouvelle, et peut-être, un regain de fraîcheur. Alors... commençons léger !

    Stay on the scene

    Près de chez moi se trouve un monsieur
    Que d’aucun conterait graveleux
    Je vous dirais bien où il habite
    Mais il pourrait vous montrer sa bite.

    Connu pour être piètre chasseur
    Un plomb a sonné son heure
    Je dirais bien où il bourrine
    Mais il pourrait vous montrer sa pine.

    Son joli syndrome frontal
    Fait de lui un patient jovial
    Et je vous dirais bien où il caquette
    Mais il crierait sûrement: quéquette !

    Alors, bien heureux le malotru
    Qui une balle dans le cortex
    Ne pense plus qu’au sexe.


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  • Chez moi, j'apprécie vivre dans le luxe. Le luxe de ne pas avoir à prendre de décision "Pizza ou Burger ce soir ?" Oh.... 'sais pas... Et puis surtout, le luxe de pouvoir abandonner. Lorsque je n'arrive pas à ouvrir le pot de cornichons je peux laisser tomber dès les premières secondes, ne pas me fatiguer et le donner à mon docteur l'oeil supplicant. En quelques secondes je peux ainsi me délecter d'un délicieux légume sans avoir subi de vilaines choses du genre, une rougeur de la main.

    A la maternité, c'est différent. Si pour certains gestes on peut facilement passer la main Allo uiiiiiii ? La madame, j'arrive pas à la perfuser.... Pour d'autres, on n'a pas vraiment le choix, on doit continuer, ne pas abandonner et peut-être même, réussir. Ses situations sont relativement rares à l'hôpital où on a des collègues plus ou moins expérimentés, mais existent tout de même. Ainsi, je me rappelle d'une bonne grosse difficulté aux épaules lors d'un accouchement. La tête sort sans encombre majeur puis vient le moment des épaules. Je sens l'épaule antérieure au toucher, elle est engagée dans le bassin, ce n'est pas une dystocie, mais elle ne vient pas facilement pour autant. Je demande à la maman de pousser, mes collègues la mettent en position adéquate (Mc Roberts pour les connaisseurs, avec même un poing sus-pubien) mais je transpire sous le masque. Ce moment me parait interminable, en réalité il a peut-être duré une minute, je sais pas... et c'est déjà long pour le dégagement des épaules, mais on m'aurait dit dix, j'aurais trouvé ça probable. Donc voilà, la maman pousse, j'abaisse la tête rien ne vient, elle pousse encore, j'abaisse encore, je me dis bon sang, je commence une traction douce dans l'axe sacro-coccygien, ça avance d'un milimètre. J'ai chaud, j'ai l'impression de pas y arriver et là, j'ai grave envie de passer le pot de cornichons à ma voisine. Je regarde la patiente, mes collègues, ils n'ont pas l'air dans ce trip, alors je me dit que non... l'abandon n'est pas une option et je dois sortir autre chose que la tête... On continue donc, je re-tire douchement mais fermement, j'ai peur de l'élongation du plexus brachial, mais je reste dans le bon axe, l'épaule antérieure est bien engagée et de toute façon, il faut que le bébé sorte maintenant. Alors, milimètre par milimètre ça avance et l'enfant finit par naître. Je demande à ma collègue de le prendre rapidement et de l'examiner car la naissance fut un brin chaotique. Je file vite la retrouver, il va bien, pas de plexus brachial, et il retourne auprès de sa mère.

    Ces situations sont rares mais font d'autant plus apprécier le confort d'un chez-soi douillet. Alors oui, des fois je peux être pénible à ne pas vouloir m'engager, à passer la main, botter en touche, mais c'est un petit plaisir que je m'accorde et que je sais apprécier parce qu'ailleurs, dans ma vie professionnelle de moi vêtue d'un pyjama, je n'y ai pas droit.


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  • Etrange question me direz-vous... surtout un samedi soir... je devrais sûrement avoir d'autres choses à faire que d'écrire un post à fort potentiel déprimant.  Mais ça me trotte dans la tête depuis un moment, et je profite d'un moment de calme en célibataire associé à une flemmingite aiguë de faire quelque chose de constructif pour (pas très bien) écrire.

    Cette question, elle se pose à moi depuis que j'interviens en SMUR (et que j'ai le droit de faire le petit papier bleu, aussi appelé certificat de décès). J'ai eu plusieurs fois à intervenir pour des arrêts cardiaques chez des personnes (très) âgées, avec un certain nombre (pour ne pas dire un nombre certain) de pathologies parfois (souvent?) lourdes, très peu souvent autonomes. 

    Pour moi, quand je vois ces personnes, je vois mon grand-père avec sa maladie de Charcot ou ma grand-mère avec son cancer du sein. Ou encore certains des résidents de la maison de retraite où j'ai travaillé. Pour toutes ces personnes, quand leur coeur s'est arrêté, la famille a pleuré. Le médecin a été prévenu pour constater le décès. Les pompes funèbres ont été prévenues. L'enterrement a eu lieu. Le deuil a fait son travail. Au milieu de toutes ses étapes, à des moments différents mais souvent assez tôt, les proches ont été soulagés. Soulagés pour la personne décédée, qu'elle ne souffre plus. Soulagée pour elle-même, qui avait investi du temps et de l'énergie auprès du "pas-encore-défunt" pour que les jours-mois-années qui lui restaient à vivre soient le moins pénibles possibles.

    Aujourd'hui, lorsque j'interviens en SMUR dans ces situations, une réanimation a été débutée. Il y a quelqu'un en train de masser, que ce soit la famille, un voisin, la pharmacienne, les pompiers, voire même le médecin traitant. Alors que je n'y vois que de l'acharnement, la famille espère que la réanimation portera ses fruits, que le futur défunt (parce qu'il n'y a quand même que très peu de chances pour que cela fonctionne) ne meure pas et vive encore plusieurs jours-mois-années dans son lit sans interragir (ou à l'hôpital après un séjour plus ou moins long). J'ai du mal à comprendre que certaines familles n'acceptent pas de laisser partir leurs proches tranquillement. Je ne sais pas vraiment gérer ces situations. J'essaie d'aller voir la famille rapidement, de leur expliquer que même si le coeur repartait, leur proche ne s'en remettrait pas (ou serait encore plus dépendant qu'avant). Parfois, je fais même arrêter la réanimation avant d'aller voir la famille. Sinon, je la poursuis, plus ou moins intensément, le temps de la discussion. Le temps de l'acceptation. Avant le déclenchement de la séquence pompes funèbres - enterrement - deuil.

    J'ai du mal à m'expliquer qu'on puisse essayer de réanimer ces personnes là, et à ne pas les laisser partir tranquillement. Peut-être est-ce la conséquence du déni de la gravité de la situation médicale du patient, peut-être que le fait de voir la réanimation permet à la famille d'accepter le décès, peut-être est-ce pour une autre raison. Je ne le sais pas, et je ne le saurai jamais. J'espère juste trouver comment gérer ces moments du mieux possible.

     


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