• Les Vieilles Bricoles de Knackie reprennent certains textes courts écrits du temps où j'étais jeune, dont certains s'inspirent librement de mes expériences au contact du monde médical. Ils trouvent ainsi une place nouvelle, et peut-être, un regain de fraîcheur.
     
     
    Naissance de Petit Lulu

     
    Petit Lulu n’avait rien demandé à personne, même pas à naître. Pourtant un beau jour de printemps l’utérus maternel lui fît comprendre qu’il était temps d’aller ailleurs voir comment le monde était chaud.

    Chemin faisant il traversa un os que l’on nomme coxal tant il est cocasse. Ca tourne, ça bifurque, ça descend et ça remonte, si bien que petit Lulu se cala cahin-caha les yeux au plafond là où la majorité des petits garçons préfèrent voir la terre.

    Il vit alors arriver deux grosses cuillères se poser sur ses tempes et tenter de le tourner, sans succès. Ce manège métallique l’énerva si bien qu’on dû le sortir au plus vite. Petit Lulu se serait bien passé d’être aussi pressé, tiré, poussé et quand il naquît il fît jouer de son zizi. Pisser sur le monde voilà bien un moyen d’y trouver un peu de chaleur car voyez-vous, l’utérus était un farceur.

    Pour encourager petit Lulu à résilier son bail il lui avait promis une montagne de merveilles: une brise légère à 37°C, deux servants dédiés à son bonheur et des jeux, des jeux à ne pouvoir tous les toucher. Au final il eut un body parfum nicotine, une troupe d’idiots autour de son berceau et une sucette avec des picots.

    Une fois grand rien ne changea vraiment, le cercle d’abrutis s’élargit, certains devinrent même ses amis. On lui enseigna des tas de choses qui s’évaporèrent plus ou moins vite et il comprit qu’on lui avait menti. Le monde n’est pas chaud, et son centre n’est pas petit Lulu. Pour palier à cette triste vérité il continua à trouver une température adéquate en jouant de son zizi jusqu’au crépuscule de sa vie.


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  • La premère fois que j'ai eu affaire à la gendarmerie nationale, ce fut à l'hôpital.

    23h, le téléphone sonne, ils vont venir pour qu'on effectue un examen sur une jeune femme portant plainte pour viol. Le gynécologue réquisitionné arrive, ouvre la salle de consultation, on les reçoit. Sur la réquisition, ça ne colle pas. Les gendarmes se sont trompés sur la date. Le malaise est palpable. Ca finit en "on va la refaire et on vous la fera passer dans la matinée".


    On fait rentrer la patiente, elle ne parle pas beaucoup. Le médecin demande si elle a des traces de coups, des hématomes. Ce n'est pas très concluant. Après, il effectue les prélèvements vaginaux. Et moi, je fais la prise de sang pour les différentes sérologies. L'ambiance est plutôt lourde. Et puis, quand tout se termine, je demande tout de même en lui montrant les étiquettes servant à identifier les prélèvements: "Vous vous appelez bien Mademoiselle Azerty Qwerty ?" Elle me répond que oui. Sauf que ça s'écrit Azerti Quiquerty... Gros blanc. On reprend les papiers des gendarmes. On voit le nom et le Azerty Qwerty partout, et même, une erreur dans la date de naissance. Ils sont gênés, le médecin s'il n'avait pas trop tiqué sur la date de la réquisition, commence un peu à s'énerver. Ils ont fallis foutre en l'air tous les prélèvements...

    Alors oui c'était la nuit, leur motivation n'était pas des plus vive... mais zut quoi.

    Je ne me suis plus jamais retrouvée dans une telle situation par la suite mais ça m'a bien vacciné à le pas lire, vérifier et relire ce qu'on me met sous le nez. Même si la personnes en face est censée être un tout puissant défenseur de la loi. Parce que certe, l'erreur est humaine, mais quand même...


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  • Les étrangers. Ils arrivent en France, sans le sous, et on les héberge, on les nourrit sans contre partie. En face, il y a le français, blanc, pauvre et pour lui, que dalle.

    C'est un postulat qu'on entend en débutant une conversation dans tous les bons bars PMU qui se respectent. Ou en repas de famille. Ou en salle de pause. Ou... Ou... Et je ne vaux surement pas mieux. Je suis la première à pester devant les laveurs de pare-brise à l'oeil supplicant.

     

    Madame Focon de Neige et  sa famille ont récemment mis les pieds sur le sol français. Elle même, une fillette de 4-5 ans, une femme enceinte, un homme, et une grand-mère. Madame Focon de Neige vient d'accoucher. Pas d'Aide Médicale d'Etat de droit commun possible pour elle car elle vient de l'Union Européenne (donc en situation régulière) et ça ne fait pas trois mois qu'elle vit en France. Son séjour à l'hôpital est donc payant. La blague. Elle est contente d'avoir un toit pour la nuit. Et cerise pour le gâteau, un accompagnant majeur peut même rester avec elle. Elle choisit la femme enceinte. Avant, ils étaient logés en herbergement d'urgence par le 115. C'est l'hiver, il fait froid, il y a plus de places qu'à l'accoutumée mais parfois ça ne suffit pas.

    Vers 16h elle me demande le téléphone pour appeler et trouver un endroit où les autres pourront dormir. Elle fait le 115. Ne parlant pas vraiment français la conversation est difficile. Elle dit juste son nom de famille, apparemment les personnes à l'autre bout du fil connaissent la situation de cette famille. Elle comprend qu'elle doit rappeler à 19h, lorsque les lits seront débloqués.
    A 19h, je redonne le téléphone, elle ne comprend pas vraiment, je prends le relais. Pas de place pour ce soir, ils ne sont pas prioritaires... elle a une chambre à l'hôpital. Il faut rappeler demain.

    Demain à 16h je rappelle. Toutes les lignes sont occupées. Au bout d'un temps certains j'arrive à avoir quelqu'un. On me dit que je n'ai pas à appeler, qu'il faut que ce soit la personne concernée "Oui mais elle ne parle pas français" "Ah... Bon.". Ils me disent qu'ils connaissent la situation délicate de cette famille, qu'ils inscrivent le nom, qu'il faudra rappeler à 19h au cas où, mais que le nombre de places n'est pas en adéquation avec le nombre de demandes. A 19h je rappelle, mes collègues me disent que ce n'est pas à moi d'appeler. "Oui mais elle ne parle pas français."  "Ah... Bon". Pas de place, il faut retenter demain.

    Durant trois jours j'appellerais de nombreuses fois le 115. A 16h et à 19h. Et... ce n'est vraiment pas évident de les joindre du premier coup. A chaque fois ils n'auront pas de place.

    Alors, la famille s'organise. Tout le monde quitte la chambre au plus tard le soir, et arrive au plus tôt le matin. La grand-mère et la fillette squattent la salle d'attente des urgences gynécologiques la nuit. L'homme, on ne sait pas.

     

    Les équipes du 115 font surement tout ce qu'elles peuvent avec les moyens dont elles disposent.

    Mais... ceux qui pourraient être tentés de croire que les étrangers sans le sous sont de gros assistés vivant comme des rois, allez-y, appelez le 115 pour voir. Essayer d'avoir quelqu'un au bout du fil pou esperer peut-être avoir un lit de camp dans un gymnase parce que c'est l'hiver. C'est une expérience intéressante.


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  • Les Vieilles Bricoles de Knackie reprennent certains textes courts écrits du temps où j'étais jeune, dont certains s'inspirent librement de mes expériences au contact du monde médical. Ils trouvent ainsi une place nouvelle, et peut-être, un regain de fraîcheur.

     

    Plus con que les autres

     
    On veut tous des enfants beaux et intelligents, Tom lui était plus con que les autres. Aujourd’hui lorsqu'on est bête on reçoit la COTOREP et beaucoup de regards suspects. Tom lui ne les connaîtra jamais. Dans une contrée comme celles des contes de fées, une différence génétique ne se révèlerait pas comme fardeau. Mais Tom n’existait pas seulement sur l’encre de mon stylo.

    Trois chromosomes ça fait bien un de trop pour nous, humains. Trois chromosomes, et la société t’en fait baver. C’est ainsi que je me retrouve à installer les champs stériles dans cette salle de bloc obstétrical. La sonde d’échographie repère le fœtus pour que quelques minutes plus tard une aiguille vienne se planter dans son cœur. Il fait chaud sous le masque. Ventricules et oreillettes cesseront vite de battre, putain de direct. La maman garde les yeux fermés, je maudis les circonstances qui font qu’à Tom nous ne lui laissons pas sa chance.

    Très vite le geste se finit, je retire les champs, nettoie le ventre de la mère et elle reçoit quelques comprimés qui vont accélérer les contractions. Dans quelques heures le fœtus sera expulsé,.On a évité que naisse un individu atteint "d’une maladie incurable d’une particulière gravité". Tom était trop con, et devoir vivre parmi nous aurait peut-être été le symptôme le plus grave de son affection.


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  • Les Vieilles Bricoles de Knackie reprennent certains textes courts écrits du temps où j'étais jeune, dont certains s'inspirent librement de mes expériences au contact du monde médical. Ils trouvent ainsi une place nouvelle, et peut-être, un regain de fraîcheur. Ici vous avez droit à texte... adolescent... simili de réflexion, déjà, sur ma relation au net, les gens, le mal et le malaise.
     
     
    C'est pas ma faute
     
     
    La dernière ampoule vient de lâcher. Seul, veille mon écran encore vivant. Près de moi un vieux rockeur crachonne sa peine au travers du transistor. Je vais dans le salon Mangas, elle y sera peut-être. Jeune, belle, qui la nuit rêve encore. Elle y sera sûrement, celle qui m’enveloppera de sa fraîcheur, me nettoiera de mes bières, ma graisse et mes ans. Le clavier me déforme, gribouille la fenêtre, y forme un être drôle, intéressant, attirant.

    C’est pas ma faute,
    Et quand le jour je vis rampant, j’attends le soir où je captive leur désespoir.
    C’est pas ma faute, je l’ai compris il y a bien longtemps.
    Pourquoi lutter ?
    C’est pas ma faute.

    Sa photo me regarde, un sourire charmeur, un maquillage sombre, une petite des années 90 alors que je faisais 68. On se parle toutes les nuits, à chaque fois un peu plus tard. Elle me décrit sa ville, son collège, sa chambre. Je sauvegarde le moindre mot, les relis parfois au boulot.

    C’est pas ma faute,
    Quand son image me brule les sens, elle me rend fort.
    Bien plus que tout ce qui est juste.
    C’est pas ma faute, si elle appuie où je souris.
    C’est pas ma faute.

    Par caméra interposées je lui montre mon coin de mur le plus parfait. Gris, quelques affiches, celle de Bleach plait souvent. Puis sur une petite table un cadre photo où l’image démo d’une femme et d’un enfant me fait office de famille.
    A son tour. Je pénètre doucement dans son espace où son vernis noir côtoie sa peluche anti-stress barbapapas. Elle m’ouvre sa garde-robe, me demande quelques conseils. Je prends quelques captures d’écran, les caresses parfois dans le métro.

    C’est pas ma faute,
    Si elle m’offre plus que ce que j’ose lui soutirer.
    Dans sa lueur raisonne l’espoir d’un instant meilleur,
    C’est pas ma faute à moi.

    La voilà qui pleure, un garçon quelconque s’est lassé de ses formes, pas assez femme, de sa vertu, pas assez souple. Elle voudrait me voir. Je passerai la prendre à la sortie des cours, comme toujours. Et comme toujours personne ne remarquera cette crasse au col de ma chemise. Elle criera peut-être, lorsque je m’essuierai sur elle de tous mes échecs. Puis le silence.

    C’est pas ma faute.
     

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