• Etudiante, j’aimais bien les nuits en salle de naissance. Il n’y a pas forcément moins de travail, mais c’est plus intime, les sages-femmes sont moins stressées par les Autorités Supérieures et la fatigue rend un peu plus solidaire… quoique.

    Lorsqu’à 20 heures j’ai pris ma garde, Madame Padbol était installée en salle depuis 8 heures du matin pour une Interruption Médicale de Grossesse. Le troisième trimestre était dépassé de peu, la malformation cérébrale certaine, un bébé qui aurait eu un avenir incertain. C’est moi qui m’occuperait de Mme Padbol avec la sage-femme, l’autre étudiante prend en charge une patiente au devenir plus joyeux.
    La salle d’accouchement est grise, froide, sans fenêtre. Elles le sont toutes dans ce bloc mais en général les couples n’y font que peu attention. Autre chose à penser. Moi ça me pèse toujours un peu, 12 heures enfermée là, des fois sans boire, sans manger, et sans aller aux toilettes. Si on rajoute à ça des bébés morts, on entre dans un malaise évident. Quoique… des poneys auraient-ils fait baisser la tension ?


    Avec la sage-femme, on va se présenter au couple. Ils sont fatigués. On explique que parfois, dans ce genre de situation, le travail est long et que d’un coup, le col lâche et tout s’accélère. Pour Mme Padbol ça s’est produit vers une heure . On appelle le reste de l’équipe médicale, l’interne et le chef d’obstétrique, l’interne d’anesthésie. La patiente pousse et libère le corps sans vie. On lui a un préparé un plateau rien que pour lui, avec un Absorbex© doux et absorbant. Elle ne veut pas le voir tout de suite, peut-être plus tard. Je l’amène dans une petite salle, appelée « le labo ». C’est là où se trouve le frigo contenant des pièces anatomopathologiques comme les placentas, c’est là aussi où on pèse et mesure les enfants nés sans vie…enfin morts quoi. C’est la première fois que je me retrouve toute seule avec un cadavre de nouveau-né sur plateau, dans 4 mètres carrés, au milieu de la nuit. J’ose à peine le toucher, on dirait presque un vivant, il est juste plus petit. La sage-femme m’avait dit de vite revenir après, elle ne tenait pas tellement à ce que je reste seule là bas. J’ai de la chance, je suis tombée sur une gentille. Bon nombre de mes collègues n’ont pas eu cette chance et se sont retrouvés à peser, mesurer tout seuls.
    Lorsque je retourne en salle la patiente se plaint d’une douleur à l’utérus. Elle a déjà eu une césarienne, et la cicatrice au niveau de l’utérus vient de se rompre légèrement. Dès le diagnostic posé je comme à préparer la patiente en urgence pour le bloc opératoire. Je change et accélère la réhydratation, la sage-femme pose la sonde urinaire et la patiente part vers une salle contigüe pendant qu’une aide-soignante s’occupe du mari. Elle ira bien par la suite.
    Avec la sage-femme on retourne vers le labo. L’enfant est toujours là. Je l’avais recouvert d’un autre Absorbex©, je savais pas trop, ça me faisait bizarre de le laisser découvert dans son plateau. On prend ses mensurations, il partira en foetopathologie pour examen. On lui met une couche et on prend des photos au cas où les parents voudraient en avoir ou les regarder plus tard. Puis on le met au frigo.

    Pendant ce temps là d’autres femmes arrivent pour accoucher rapidement. Ma collègue s’en occupe déjà. Je prends une petite pause en attendant une patiente avec un enfant vivant. Je crois qu’il y en a une qui contracte aux urgences… Coup de téléphone du service. Une patiente à 20 semaines a des contractions et le cerclage de son col a lâché, elle arrive. Je demande à ma collègue si elle veut bien s’en occuper pour que je puisse ainsi avoir un accouchement heureux dans la garde. Elle refuse… elle a déjà une (ou deux ?) patientes. Hum.
    Lorsque je vais pour installer la patiente, la sage-femme (toujours la même), s’étonne que ce soit encore moi. Ben oui… ça m’étonne aussi. M’enfin. Mme Padbolbis est en larmes. C’est sa troisième fausse couche. Pour cette grossesse on avait mis un fil autour du col de l’utérus pour ne pas qu’il laisse s’échapper cette grossesse trop tôt. Malgré tout elle a rompu la poche des eaux et quelques contractions ont brisé le cerclage, l’accouchement est inévitable. Elle me raconte son histoire pendant que je la perfuse, outre ses fausses couches elle a un parcours médical très chaotique. Mme Padbolbis c’est le genre de personne où tu te dis que la Nature a décidé de passer toute sa colère sur elle. Elle me dit que pourtant elle avait fait attention à bien se reposer, que ce n’était pas possible d’encore vivre ça. Je passe alors du temps à lui expliquer que non, ce n’est pas sa faute. Ca la rassure un peu, je crois. En tout cas, c’est très important à dire, la culpabilité, même si irrationnelle tourne toujours autour des couples victimes d’IMG, fausse couche, mort fœtale etc… Et puis à cette époque j’avais de la chance, du temps j’en avais, j’étais étudiante.

    A la fin de ma garde, Mme Padbolbis n’avait toujours pas accouché et moi j’avais eu la chance d’installer une patiente avec un bébé qui bougeait dans son ventre. Ca m’avait fait du bien de pouvoir poser rien qu’un monitoring… pendant que ma collègue enchaînait les accouchements rapides. Je suis sortie de la maternité fatiguée, comme toujours, et sans trop le sourire. Je savais que ce genre de gardes n’était même pas exceptionnel, ça allait faire partie de mon quotidien.

    Effectivement, une fois diplômée ayant en charge plus de patientes et bien j’en ai fait des diagnostics de mort fœtale, des annonces de fausse couche, des accompagnements d’IMG… ce n’est pas un cas qui est difficile, c’est leur répétition et si il n’y a pas un peu de joie entre, ça devient pesant.
    Alors, ça me fait doucement rire les gens émerveillés de bonheur en pensant à la profession de sage-femme. Ceux qui se permettent de me déclarer Grande et Méchante sage-femme parce qu’un bébé parfois, je l’appelle « gamin » et que non, je ne souris pas niaisement en entrant dans une maternité. Je sais trop ce qui s’y passe. Et parfois, les couples sans histoire, ne comprennent pas leur chance.

    Bien sûr, tout n’est pas toujours noir mais à chaque fois que je m’occupe d’une femme enceinte ou d’une accouchée qui finalement sans sort sans trop de soucis, je ne peux m’empêcher de penser un peu aux Mmes Padbol. Je sais que je ne devrais pas forcément, que Mme Joiebonheuretponey a le droit aussi d’être exigeante et de vouloir que tout soit parfait. Par exemple… en voulant absolument le pyjama bleu celui tout au fond de son sac qu’elle n’a pas pensé à sortir, même si le vert est tout devant et facilement accessible. Et puis oui, on peut toujours trouver pire et alors ? Quand on n’est pas le pire on veut aussi être bien.

    Mais quand même.


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  • J'ai eu de la chance, le développement grand public d'Internet, comprendre les forfaits illimités à des prix limités (je devrais être publicitaire), a coïncidé avec mon adolescence un peu tassée. A moi s'offrait alors tout un tas d'expériences indédites je vous vois venir petits coquinous du genre, parler avec des gens. Appelez moi autiste, nerd, ou geek, mais le Net a joué et joue encore, un rôle non négligeable dans ma vie sociale.

    D'abord il y avait les chats (un peu pourri faut le dire, j'ai vite abandonné), les forums, puis les blogs. Je ne vais pas parler des forums ici, je participe, je crée, mais en général ce n'est pas médical. Des blogs j'en ai eu aussi, plusieurs. Certains connurent même leurs petites heures de gloire. Mes tout premiers devaient être en lien avec kraland.org jeu auquel j'ai du me résoudre à jouer vu que mon ancien, qui l'a motivé, dépérissait. Avec kraland, il y avait les RIK (rencontre de joueurs dans le réel), le genre de journée/soirées où on se retrouve entre jeunes barbus (enfin pour les garçons) à boire et manger des lasagnes Lidl© tout en parlant jeu et politique. Les blogs à cette époque où héberger une image n'était pas chose aisée pour l'internaute lambda, c'était énorme. Un moyen simple et rapide de créer quelque chose et de faire partarger. Maintenant c'est tellement banal.

    Puis je suis entrée au couvent en P1, première année de médecine. J'ai commencé à lire des blogs médicaux qui naissaient par-ci par là. Beaucoup de mes stars de l'époque ,n'existent plus, mais, ça me fait plaisir de me les remémorer. En P1 je lisais beaucoup Mélie, les Enfants Rouges d'abord parce que son adresse URL en .nu elle claque trop sa mère, ensuite parce qu'un blog reprenant le titre d'une chanson de Mano Solo c'est cool et puis surtout parce qu'elle racontait son quotidien pro et perso d'étudiante se destinant à la psychiatrie d'une façon touchante. Dans ses liens il y avait Shayalone autre psy, qui a mis son blog en pause. On a eu ensuite l'éternel Grange Blanche le cardiologue.... mais je trouvais son blog un peu compliqué. Il créa avec Zeclarr le Carnaval des blog médicaux qui consistait à écrire une note sur un thème... mais je n'ai jamais participé. Zeclarr, le petit urgentiste roux, je le lisais régulièrement. Il nous racontait ses voyages en avion et puis sa fantastique aventure dans la base de Concordia, de quoi laisser rêveur.
    Dans la catégorie étudiant, il y avait une blouse et un badge et il y a toujours Open Blue Eyes. Et puis chez les remplaçants, qui devient presque un genre à part entière, jaddo, forcément. Voilà pour les "vieux" blogueurs médecins. J'en oublie surement, je devais en lire d'autres...

    Et les sages-femmes dans tout ça? La toute première dans ma mémoire c'est Llythie. Le blog n'existe plus, à mon grand désespoir, mais pour moi c'était un peu la sage-femme qui me donnait envie. Envie d'être un peu comme elle, envie d'avoir des Llythie en stage ou comme collègues. Pour les abonnées de doctissimo qui me lisent (quand même) c'était un peu comme 10 lunes, les femmes en étaient fan, du moins je crois. Mais au niveau du ton, c'était quand même différent. Elle aspire au calme et à l'anonymat ce que je peux très bien comprendre.
    On a eu également Ambre, qui a mis son blog pro à l'écart de la foule, et puis Aurélie qui nous parle beaucoup moins du boulot. D'autres sages-femmes ont disparu, je pense notamment à Aurély que je suivais aussi. Le problème avec les premiers blogs de sages-femmes, c'est qu'ils étaient finalement assez peu anonyme et lorsque le trafic augmente, ça peut créer quelques problèmes.

    Et maintenant il y a des nouveaux, nouveaux auteurs, je pense à Dr Borée qui a fait une entrée fracassante, nouveaux outils. Twitter, le microblogging a pris une place qui me paraissait pas si intéressante à l'époque. La blogopshère médicale s'élargit et j'aurais pu parler des blogs infirmiers, de Ron notamment mais ceci est une autre histoire.

    Si vous vous rappelez d'autres blogs, ou si vous en teniez, faites tourner.


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    Un bref échange twiterral avec mon éminente consoeur 10lunes m'a donné envie d'une petite réflexion sur le militantisme, c'est quoi donc ? Au passage merci, j'avais envie de mettre le blog à jour.

    C’est peut être passé inaperçu à vos yeux, ou pas, mais hier, 4 octobre c’était la grande manifestation des sages-femmes en colère. En gros, on veut pouvoir faire notre job comme c’est écrit dans notre Code de Déontologie (inscrit au Code de la Santé Publique), vivre de notre métier et plein de bonnes choses pour vous, les femmes. Je ne vais pas m’attarder dessus, 10 lunes le fait très bien dans plein de ses billets, moi je me plains assez ici sur tout ce qui ne va pas etc… 2000 personnes ont défilé à Paris, 10% des sages-femmes en France. Pas si mal sachant qu’une manifestation à Paris c’est chiant, provinciaux que nous sommes.

    Je ne vous le cache pas, je reste très très très dubitative sur l’efficacité des manifestions. Surtout lorsque la population totale des gens hargneux est au maximum de 20 000. Quand bien même nous serions 20 000, ça ne pèse pas bien lourd sur l’asphalte. Remémorez-vous donc les retraites, des centaines de milliers de personnes dans toute la France et une loi promulguée quand même.

    Alors, je me dis qu’il faut trouver d’autres moyens plus qualitatifs, comme entretenir des relations privilégiées avec les gens qui ont du poids, comme faire des actions qui embêtent vraiment… et oui, je n’ai jamais dit que c’était facile.

    Mais, là n’est pas totalement le sujet. Le sujet c’est le militantisme. C’est vaste, il y en a plusieurs et je n’ai jamais vraiment été du genre gueulard. Puis se battre c’est fatiguant, se battre pour sa profession également, il y a tellement de choses importantes à part le travail. Et puis faut dire, on me discrimine beaucoup, moi Knackie.

    Déjà, de part mon état de femme (plafond de verre, sexisme primaire, menstruation alors qu’on a prévu un week-end plage…), ensuite de part ma condition de femme qui parfois, cachée dans le noir d’une éclipse totale de Soleil je vous rassure, fait des bisous à mon Interne femelle ( on peut dire ce qu’on veut mais je fais partie de ces citoyens qui n’ont pas les mêmes droits que tout à chacun, mon couple au niveau législatif n’est pas l’égal de Ken et Barbie et ma famille serait bien moins protégée, sans compter plein d’autres petits trucs désagréables au quotidien), enfin, je suis sage-femme , ai-je vraiment besoin de revenir sur tous les bâtons dans les roues qu’on met aux sages-femmes qui veulent simplement exercer la profession pour laquelle elles sont formées ?
    Alors oui, vous vous dites que je pourrais faire un effort, je pourrais au moins rentrer dans le moule pour une chose, mais non, je n’ai pas envie de changer de sexe, même si c’est (encore) remboursé par la Sécu, c’est compliqué.

    Alors au quotidien je milite, j’existe. Je milite en faisant des études, en travaillant et en ne vivant pas uniquement au travers d’un beau et hypothétique mari. Je milite en marchant simplement dans la rue avec mon Interne, c’est bête hein, mais rien que ça, parfois c’est un effort. Et je milite en étant une sage-femme indépendante, qui prend ses responsabilités, qui ne court pas après n’importe quel interne pour prescrire du paracétamol, en prenant le temps d’expliquer à mes collègues des autres professions de santé ce que je fais, ce que je peux faire, quand je ne peux plus. Je ne suis pas une auxiliaire, je ne suis pas une assistée, je travaille en collaboration, nous travaillons ensemble, et j’ai parfois l’impression que ce n’est pas la façon de penser de tout le monde (sages-femmes, médecins ou autres).

    Est-ce que la rue est plus importante que ça ? Certainement pas. On ne change pas le monde en un jour en criant très fort. Changer le monde c’est déjà changer le sien, son environnement, et j’attache plus d’importance à ça. Alors oui, manifester, ça peut servir, au moins pour dire qu’on existe mais, et c’est mon avis personnel, ce sont les actions de l’ombre, les actions plus réfléchies, qui donnent de meilleures résultats… surtout à 20 000 et dans un pays où on ne prend pas les armes (réelles avec des balles) contre les puissants. Par contre, si on veut des armes moderne, allons voir du côté économique et pas forcément en se dévalorisant du genre « on coute moins cher une consultation de grossesse c’est 19 euros ». La consultation à 19 euros c’est une honte.

    Vous l’avez donc deviné, je n’ai pas participé à la manifestation du 4 octobre. Pas le temps sur un jour. Et puis peut-être qu’il y a d’autres combats qui me tiennent plus à cœur. Je ne sais pas. En tout cas j’ai envie de vivre en paix et la lutte, le combat, si on le prend trop à cœur, ça pourri la vie.

     


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  • Soignant c'est un bien grand mot. Un soignant c'est un être fort, un super héros en vêtement informe avec des traces de marqueur qui partent pas. Tout au cours de sa formation il a acquis une technique irréprochable, il sait maintenant sauver la vie des gens (en réglant les chaînes de la télé). Et puis il sait aussi comprendre les gens, les écouter et comprendre leur souffrance grâce à ses cours théoriques sur la vision freudienne du développement de l'Homme (quand la télé déconne, un monde s'effondre).

    On veut des soignants toujours plus humains. Toujours plus chaleureux, toujours plus compréhensifs, toujours plus doux qu'un roudoudou... mais... qui peut être humain et constant dans ce qu'il renvoit aux autres? Je ne sais pas vous, mais pour moi la nature humain, de base c'est l'inconstance. Un professionnel de santé "humain" peut avoir ses bons jours, ses mauvais, être fatigué à un moment donné, touché par quelque chose, quelqu'un et, de fait, ne pas forcément renvoyer l'image de l'être parfait. Si par malheur le patient perçoit cette faiblesse, toufoulcan. Un ton un peu plus sec, une poignée de porte ouverte un peu trop vite et là, c'est le drame. Le patient va le prendre pour lui, se braquer, et se dire que la personne en face, ben elle est méchante (na).

    En tant que professionnel de santé, on n'est pas censé faire pâtir les patients de nos journées parfois compliquées mais là c'est une véritable interrogation. Doit-on aller vers la fermeture des affects et faire le robot joie-et-sourire, le monsieur Empathie (mot clef à souligner douze fois pour l'examen)? Ou doit-on aussi garder un peu d'être humain dans le slip au risque de laisser paraître des attitudes/intonnations qu'on ne voudrait pas et qui seraient néfastes pour la sacro-sainte relation soignant/soigné ?

    Vous allez me dire que la réponse est facile, il faut un juste milieu. Et comment faire lorsque les heures et les situations difficiles s'accumulent? Lorsqu'on aimerait juste s'assoir, discuter, dans penser aux 678646 autres patients, le doigt sur le bouton rouge, qui eux aussi veulent leur part de toi?

    Vous allez aussi me dire que je me plains beaucoup, tout le temps, constamment. C'est juste que j'aimerais faire tellement mieux. J'ai comme une impression de faire au moins pire. Alors, peut être que d'autres se posent moins de questions mais... Je n'ai pas fait ce métier pour me contenter de regarder un diplôme sur Canson jauni (même s'ily a le verbe jouir dedans), et me dire que ué, c'est cro bien. J'ai du mal à me dire que la périnatalité en France c'est bien, que l'Hôpital c'est bien et que les gens sont géniaux. Quelque part ça m'embête d'être une goutte d'eau de tout ça et j'ai toujours un peu peur de me transformer en sage-femme cinquantenaire avec des bagues, des bracelets qui font bling bling et une tête remplie de MoiJeSais.

     Quoiqu'il en soit, mes vacances commencent et je pense que j'en ai un peu besoin. Bonne rentrée à ceux qui font comme tout le monde, et bonnes vacances aux autres. Hiiiiiiiiiii !


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  •  C'est la crise, les temps sont durs, on va tous mourir. Et en plus ma bonne dame, les services des hôpitaux ferment une partie de leurs lits, parfois pour des motifs comme ne pas faire travailler le personnel à 200% du temps de travail. Bref. Parfois, c'est le service de gynécologie qui tourne au ralenti. Celui avec des infirmières qui s'occupent des patientes opérées, celui où les médecins viennent tous les jours, celui que les sages-femmes connaissent que très peu.

    Le service ferme mais les patientes continuent d'arriver. Peu importe, on va bien trouver une sage-femme pour faire infirmière et les lui amener dans son service. Moi par exemple. En supposant hein. J'aime donc dès le matin me retrouver à la bourre car plusieurs patientes de gynécologie arrivent tout sourire, sans bilan, pour une intervention gynécologique ambulatoire. Un geste aussi banal qu'une IVG tiens. Le temps de préparer Madame 35H pour son IVG, de comprendre comment le dossier infirmier est foutu, mes autres patientes dont je m'occupe habituellement ont le temps de mourir 20 fois. Pas grave. Un jour comme ça me met quand même bien en colère.

    En colère car le boulot d'infirmière, je sais pas faire. Je suis sage-femme et une patiente qui vient pour une IVG, ma priorité ce n'est pas de lui sauter dessus pour l'envoyer prendre sa douche antiseptique, la perfuser et lui dire de bien rester à jeun. Mon travail de sage-femme est de lui parler, de comprendre pourquoi on en arrive à la 2ème IVG en 2 ans alors qu'on est à peine majeur et, tant qu'à faire, éviter de se revoir pour la 3ème. Sauf qu'en me mettant ainsi au pied du mur, avec mes patientes "classiques" à gérer, plus les situations nouvelles, imaginez bien le malaise.

    Je joue donc à l'infirmière, en m'excusant compulsivement du peu de temps que j'ai à lui consacrer là maintenant. Elle est bien sûr terrorisée et je lui tapotte empathiquement l'épaule en posant le cathlon.

    A son retour du bloc ça va mieux. Elle est un peu plus détendue, et j'ai pu avancer à toute allure tout ce que j'avais à faire... enfin les choses les plus urgentes. Je me dis que je peux bien passer 20 minutes à lui parler de "l'après". Elle me sort une ordonnance de pilule qu'on lui a prescrite aux cours des diverses consultations pré-IVG. Une pilule à prendre en continu pour ne pas oublier cette fois. Parce que la pilule "il faut bien" mais "c'est difficile".Tu parles d'une contraception adaptée pour cette jeune patiente. Je commence alors à chercher avec elle un moyen pour ne pas oublier de la prendre, pour l'associer à un geste quotidien. Il ne se lève pas forcément tous les jours à la même heure, le soir elle sort parfois et si elle l'oublie juste avant de dormir c'est ballot. Mais, bizarrement, à midi elle est réveillée et souvent, elle mange. Tiens, ça pourrait être à midi.

    Et puis, il n'y a pas que la pilule. Je lui fais la liste, lui explique. Elle ne sais pas trop. Ben oui, le jour où on vient pour une intervention chirurgicale à l'hôpital, on a pas forcément la tête à analyser sa vie et son comportement contraceptif. Je me sens démunie face à cette patiente, son ordonnance sur laquelle j'ai de gros doutes et la situation qui ne me permet pas, encore une fois, de faire mon travail.J'insiste alors sur la consultation post-IVG, je sais qu'une bonne moitié des patientes n'y viennent jamais. J'insiste aussi sur le fait qu'une consultation, juste pour parler un peu du meilleur moyen de contraception pour elle, me parait indispensable. Je lui fais la liste des différents acteurs. Un gynécologue, mais les délais sont longs, c'est intimidant aussi. Le généraliste, c'est la proximité, mais parfois on n'aime pas associer médecin traitant et gynécologie...et parfois ils n'aiment pas eux même la gynéco. Et bien évidemment il y a les sages-femmes pour seulement 17 euros , conventionnées, vous avez une jolie consultation. Pas forcément un examen gynéco. Et puis c'est un professionnel différent. Elle vit en ville, entourée de cabinets de sages-femmes libérales. Elle semble interessée par l'idée. A voir.

    Mais bon, l'intervention est ambulatoire hein. Il est déjà 17h, elle va s'en aller. Avec son ordonnance de pilule. Je suis sage-femme. J'ai juste pas pu faire mon travail. Encore une fois... Pourtant une infirmière c'est moins cher. Enfin pas de beaucoup. Et c'est peut-être moins con.


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