• Petite histoire banale sur la contraception

     C'est la crise, les temps sont durs, on va tous mourir. Et en plus ma bonne dame, les services des hôpitaux ferment une partie de leurs lits, parfois pour des motifs comme ne pas faire travailler le personnel à 200% du temps de travail. Bref. Parfois, c'est le service de gynécologie qui tourne au ralenti. Celui avec des infirmières qui s'occupent des patientes opérées, celui où les médecins viennent tous les jours, celui que les sages-femmes connaissent que très peu.

    Le service ferme mais les patientes continuent d'arriver. Peu importe, on va bien trouver une sage-femme pour faire infirmière et les lui amener dans son service. Moi par exemple. En supposant hein. J'aime donc dès le matin me retrouver à la bourre car plusieurs patientes de gynécologie arrivent tout sourire, sans bilan, pour une intervention gynécologique ambulatoire. Un geste aussi banal qu'une IVG tiens. Le temps de préparer Madame 35H pour son IVG, de comprendre comment le dossier infirmier est foutu, mes autres patientes dont je m'occupe habituellement ont le temps de mourir 20 fois. Pas grave. Un jour comme ça me met quand même bien en colère.

    En colère car le boulot d'infirmière, je sais pas faire. Je suis sage-femme et une patiente qui vient pour une IVG, ma priorité ce n'est pas de lui sauter dessus pour l'envoyer prendre sa douche antiseptique, la perfuser et lui dire de bien rester à jeun. Mon travail de sage-femme est de lui parler, de comprendre pourquoi on en arrive à la 2ème IVG en 2 ans alors qu'on est à peine majeur et, tant qu'à faire, éviter de se revoir pour la 3ème. Sauf qu'en me mettant ainsi au pied du mur, avec mes patientes "classiques" à gérer, plus les situations nouvelles, imaginez bien le malaise.

    Je joue donc à l'infirmière, en m'excusant compulsivement du peu de temps que j'ai à lui consacrer là maintenant. Elle est bien sûr terrorisée et je lui tapotte empathiquement l'épaule en posant le cathlon.

    A son retour du bloc ça va mieux. Elle est un peu plus détendue, et j'ai pu avancer à toute allure tout ce que j'avais à faire... enfin les choses les plus urgentes. Je me dis que je peux bien passer 20 minutes à lui parler de "l'après". Elle me sort une ordonnance de pilule qu'on lui a prescrite aux cours des diverses consultations pré-IVG. Une pilule à prendre en continu pour ne pas oublier cette fois. Parce que la pilule "il faut bien" mais "c'est difficile".Tu parles d'une contraception adaptée pour cette jeune patiente. Je commence alors à chercher avec elle un moyen pour ne pas oublier de la prendre, pour l'associer à un geste quotidien. Il ne se lève pas forcément tous les jours à la même heure, le soir elle sort parfois et si elle l'oublie juste avant de dormir c'est ballot. Mais, bizarrement, à midi elle est réveillée et souvent, elle mange. Tiens, ça pourrait être à midi.

    Et puis, il n'y a pas que la pilule. Je lui fais la liste, lui explique. Elle ne sais pas trop. Ben oui, le jour où on vient pour une intervention chirurgicale à l'hôpital, on a pas forcément la tête à analyser sa vie et son comportement contraceptif. Je me sens démunie face à cette patiente, son ordonnance sur laquelle j'ai de gros doutes et la situation qui ne me permet pas, encore une fois, de faire mon travail.J'insiste alors sur la consultation post-IVG, je sais qu'une bonne moitié des patientes n'y viennent jamais. J'insiste aussi sur le fait qu'une consultation, juste pour parler un peu du meilleur moyen de contraception pour elle, me parait indispensable. Je lui fais la liste des différents acteurs. Un gynécologue, mais les délais sont longs, c'est intimidant aussi. Le généraliste, c'est la proximité, mais parfois on n'aime pas associer médecin traitant et gynécologie...et parfois ils n'aiment pas eux même la gynéco. Et bien évidemment il y a les sages-femmes pour seulement 17 euros , conventionnées, vous avez une jolie consultation. Pas forcément un examen gynéco. Et puis c'est un professionnel différent. Elle vit en ville, entourée de cabinets de sages-femmes libérales. Elle semble interessée par l'idée. A voir.

    Mais bon, l'intervention est ambulatoire hein. Il est déjà 17h, elle va s'en aller. Avec son ordonnance de pilule. Je suis sage-femme. J'ai juste pas pu faire mon travail. Encore une fois... Pourtant une infirmière c'est moins cher. Enfin pas de beaucoup. Et c'est peut-être moins con.


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  • Commentaires

    1
    Lundi 8 Août 2011 à 20:19

    Tout est dit...

    Un jour peut-être, les politiques comprendront que les coupes sombres dans les budgets hospitaiiers ne sont pas sans conséquences.. qu'une partie de l'argent de la santé pourrait être mieux utilisée en permettant aux soignants d'être plus que des exécutants de protocoles...en leur donnant les moyens de prendre (avec d'autres intervenants) globalement soin d'une personne plutot que devoir se focaliser sur la seule prise en charge d'un "symptome"... 

     

    2
    cumulonimbus
    Mercredi 10 Août 2011 à 10:50

    Bonjour,
    Habituellement je suis une lectrice anonyme mais là je veux réagir.
    Je connais tes compétences de sage femme mais là cette patiente qui vient pour son IVG elle est déjà prise en charge par un médecin qui l'a déjà vu pour une consultation avant son IVG et qui la reverra pour la consultation post IVG. C'est lui qui a fait le travail de savoir pourquoi elle en est à sa 2e IVG et quel type de contraception va lui convenir maintenant. D'ailleurs il passera peut-être revoir sa patient dans l'après midi après l'intervention, non? Si ça ne se passe pas comme ça avec les médecins de ton service c'est pas normal et je pense que c'est plutôt là dessus que tu devrais insister...
    Alors c'est sur qu'on ne te demande pas de mettre en œuvre tes compétences de sage femme et que tu semble avoir l'impression qu'on nie ces compétences. Mais comme tu le dis le service de gynécologie est fermé, que faut il faire alors pour cette jeune fille ? Refuser son IVG en lui disant que le service est fermé et que les sages femmes refusent de faire le travail d'infirmière pour la prendre en charge ? Que la sage femme veut bien s'en occuper mais alors il faut qu'elle refasse ce qu'à déjà fait le médecin pour bien montrer qu'elle est compétente aussi pour le faire ? On ne te demande pas de préparer la patient pour une fibroscopie bronchique mais pour un acte gynécologique que tu connais et que tu peux prendre en charge même en faisant seulement le travail d'infirmière ... 
    Je suis interne en médecine générale et actuellement en stage de gynéco dans mon CHU. S'il y a quelque chose qui me renforce dans mon choix de la médecine générale et d'une profession libérale c'est bien de voir ces rapports de force au CHU sur qui fait quoi et surtout il ne faut pas que je fasse quoi que ce soit qui pourrait sortir de mes strictes attributions. Les infirmières refusent donc de faire un acte dans le service de grossesse pathologique puisque les sages femmes sont là et les SF refusent de préparer une patiente pour le bloc puisque c'est du travail d'infirmière ...
    Et si tout le monde prenait un peu sur soi quand il y a des circonstances particulières (fermeture de lit par exemple) et essayait juste de prendre en charge au mieux les patientes !!
    Alors même si ça ne te plaît pas de faire le travail d'infirmière et que tu veux faire reconnaître tes compétences de SF, pense surtout à la patiente qui te sera reconnaissante d'avoir fait en sorte que son IVG ait lieu et qui ne doit pas être victime de ces combats professionnels !!

    3
    Ln
    Mercredi 10 Août 2011 à 13:02
    Et je rajouterais au commentaire précédant que le travail d'infirmière ne de résume pas seulement à appliquer connement des protocoles médicaux tels que perfuser, envoyer à la douche et dire de rester à jeun... La prise en charge psychologique fait aussi partie de notre travail... Même si nous sommes payer moins cher, nous avons encore quelques connexions neuronales qui nous permettent de réfléchir sur la meilleure prise
    en charge pour nos patients.
    Pourtant, j'adore te lire, mais là, ton article me fait bondir !
    4
    Knackie Profil de Knackie
    Mercredi 10 Août 2011 à 21:14

     

     

    cumulonimbus>> quand confie une patiente à un professionnel de santé, on la confie... à un professionnel de santé. On ne lui dit pas de se cacher les yeux en faisant comme s'il était quelqu'un d'autre. Je suis responsable des patientes qu'on me confie dans le domaine de mes compétences. Le post-abortum l'est. En l'occurence entre le moment où le médecin lui a prescrit sa contraception future et le jour de l'IVG, l'ordonnance était devenue plus que limite... la patiente avait de gros gros doute sur sa capacité à prendre une pilule tous les jours et ne paraissait pas au courant des autres moyens de contraception disponible, or, c'est de ma responsabilité de l'en informer.
    Les soins infirmiers sont dans le domaine de compétence des sages-femmes. Oui je suis apte à préparer quelqu'un pour le bloc, ce n'est juste pas le coeur de mon métier et je ne comprends pas pourquoi je devrais passer 5 minutes dans la chambre d'une patiente pour lui poser un KT et me réjouir que le bloc tourne bien grâce à ça. J'ai le bête sentiment que la prise en charge des patients ce n'est pas que des soins techniques et que 5 minutes/patient c'est faire de la m****. Tu parles de circonstances exceptionnelles, sauf qu'à l'hôpital, quasiment tous les jours on a un nouveau truc d'exceptionnel (on pourrait faire en sorte qu'il y ait assez de personnel pourfaire tourner le service tous les jours par exemple). On demande continuellement aux sages-femmes (je parle de ce que je connais) de tour à tour jouer les IDE, les anesthésistes, les pédiatres, les obstétriciens... tous les jours on doit faire tampon entre tous alors qu'on a un vrai métier. Alors oui, personne ne m'aurait rien reproché si je n'avais rien dit à cette dame, mais je ne trouve pas ça moral, surtout que comme dit dans l'article, 50% des patientes sont perdues de vue après une IVG, on ne peut pas compter trop sur la consultation post-IVG. L'interne est effectivement passé... pour lui donner une ordonnance pré-imprimée d'antalgiques.
     
    Ln>> Je suis désolée mais ton rôle d'IDE n'est pas de prescrire une contraception chez une patiente, tu n'es pas "responsable" de ça. Maintenant, effectivement, rien ne t'empêche de discuter avec la patiente, se rendre compte qu'il y a un soucis et prévenir qui de droit.
    5
    PMIssime
    Mercredi 10 Août 2011 à 23:26

    on oublie souvent aussi le recours aux centres de planifications, consultations gratuites avec un médecin , en partenariat avec une sage -femme habituée à la consultation de contraception, une as, une conseillère conjugale, une secrétaire, bref un ensemble de professionnels formés et compétents...

    Pour cotoyer souvent des étudiants sage-femme qui viennent en stage, force est de constater que beaucoup se sentent assez démunis voir peu "aptes" à ce type de consultation. Peu importe le professionnel qui prend les patients en charge, l'essentiel est qu'il soit bien formé.

    Peu importe le diplôme de l'accueillant, c'est ses compétences et son humanité qui comptent. Qui forme les sages-femmes dans les écoles? Les gynécos hospitaliers? ceux-ci font la preuve tous les jours de leur manque de savoir faire en matière de contraception. 

    Bref, avec tous le respect que je dois aux sages-femmes et sans nier leur savoir faire et leurs savoir médical, tous les combats ne sont pas productifs. La contraception est l'affaire de tous...

    Au plaisir de lire un nouveau post, car ils sont souvent plutôt jouissifs.

     

     

    une question :quand les sages-femmes poseront implans et DIU?

    6
    Knackie Profil de Knackie
    Jeudi 11 Août 2011 à 11:42

    Effectivement les CPEF c'est le Bien (malgré une gestion parfois.... bizarre :o] du genre laisser des permanences où jamais personne n'y vient)

    Les sages-femmes peuvent poser implan et DIU... mais peu sont formées.

    7
    vanice
    Jeudi 1er Septembre 2011 à 20:52

    Rabaisser les infirmières au simple rang d'executantes, n'ayant nullement besoin de réfléchir puisque le boulot d'inf ne consiste qu'à faire une douche, poser une perf et dire 2 mots, c'est leur enlever toute la partie "prise en charge émotionnelle, empathie, relation d'aide..." et j'en passe...

    Dire que les sages femmes sont les seules personnes aptes à initier le dialogue pour comprendre les raisons de l'échec contraceptif, amener la relation de confiance et aider à changer  les choses pour tendre vers une sexualité plus saine..

    Bref, la vieille histoire du bien contre le mal, du noir contre le blanc et de la sage femme contre l'infirmière.... C'est pas un peu manichéen comme vision des choses ?....

    8
    nini79
    Jeudi 1er Septembre 2011 à 22:36

    Bonsoir, je viens de lire ton message et je trouves çà scandaleux de dénigrer les infirmières tel que tu le fais! Nous aussi on a nos problématiques, nous aussi on nous demande d'être à la fois infirmière, secrétaire, aide-soignante, médecin...faut pas croire que c'est propre aux sage-femmes...loin de là!C'est propre à tous les hôpitaux, cliniques etc... Et ce n'est sûrement pas çà qui permets de dire qu'une infirmière n'est bonne qu'à poser des perfs ou faire la douche, heureusement que notre métier ne se résume pas à çà!!!! On est comme vous  : le côté écoute, conseil, éducation etc...fait AUSSI parti de notre métier et si tu prenais le temps de regarder réellement ce que l'on fait, tu t'en serais rendu compte.

    9
    Knackie Profil de Knackie
    Vendredi 2 Septembre 2011 à 12:09

    Aux infirmières>> cf ma réponse à LN, je parle ici de responsabilité médicale vis à vis de la patiente, je n'ai jamais dit que vous étiez des robots à picouze, vous pouvez vous rendre compte vous même qu'un traitement n'est pas forcément le plus adapté, mais vous n'êtes pas responsable de sa prescription. Et je dénigre tellement les IDE qu'il y en a une comme co-auteur du blog. Franchement...
    PS: c'est fatigant les gens qui partent au quart de tour, si vous voulez des articles consensuels sur tout qui brossent bien dans le sens du poil ben il y a une petite croix en haut à droite. Ce que je fais ici n'est ni du journalisme, ni un espace tout beau tout propre qui fait bien dans la tête. C'est un blog avec de l'énervement dedans et ça, ça ne polisse pas les tournures de phrases (qui peuvent être mal interprétées), ni les égo de tous.

    10
    Louvek
    Mercredi 14 Septembre 2011 à 14:59

    bonjour, 

    oubliant regulierement ma pilulle, ayant très peur des IVG, sur les conseils de ma gyneco, je suis passée aux anneaux vaginaux qui ne m'ont jamais poser de problèmes et qui se posent seule à la maison comme un tampon. Pourquoi pas pour elle?

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    11
    Knackie Profil de Knackie
    Vendredi 16 Septembre 2011 à 09:43

    C'est à elle de chisir, le tout est d'avoir été informé avant.

    12
    Anoukaelle
    Dimanche 18 Septembre 2011 à 10:22

    Je suis infirmière, j'ai beaucoup aimé l'article. Actuellement, je vis une crise existentielle. Je me demande pourquoi j'ai fait autant d'études pour travailler à la chaîne. Ce que l'on voit de nous c'est "bien à jeun, à poil, douche béta, VVP et on se dépêche, ils passent vous prendre de suite!" et c'est ce qu'on fait!  Evidemment que ce n'est pas l'essence de notre travail, ce pourquoi on l'a fait, ce n'est pas la formation que l'on a reçue, ni ce que les patients attendent de nous, mais dans les faits, c'est ce qui se passe! Nous sommes des robots très dociles qui nous rebellons une fois de temps en temps quand quelqu'un (et en particulier quelqu'un de l'extérieur) ose décrire la réalité de notre travail. Or, on le vit tous les jours, mais on ne veut toujours pas admettre qu'on se fait enfler. En fermant nos mouilles, nous sommes responsables de ce qui nous arrive. Alors, au lieu de sauter à la gorge de Knackie qui exprime son point de vue à elle et exprime sa souffrance à elle, tournons nous vers les vrais responsables de cette situation! Je trouve insupportable cette guéguère SF-IDE / IDE-AS / moi-l'autre. Diviser pour mieux règner : pensez-y!

    13
    Knackie Profil de Knackie
    Samedi 24 Septembre 2011 à 20:31

    Merci de ton témoignage ;)

    14
    Samedi 24 Septembre 2011 à 23:11
    Très honnêtement je ne vois aucun dénigrement d'IDE, juste l'impression de Knackie de ne pas pouvoir faire son boulot comme elle l'aimerait... Cet article me relance sur mes interrogations perso d'accepter ou non ce remplacement en orthogénie, pour faire ces fameuses consultations pré IVG... si je suis pas fan de l'acte en lui même, je trouve tellement important toute l'information et l'accompagnement qu'il y a à faire autour...
    15
    missenga
    Lundi 23 Janvier 2012 à 13:19

    on voit beaucoup trop souvent de prescription de pillule au premier contact comme s'il n'y avait que celle là qui était la "bonne" . La bonne est celle qui convient à la patiente, mais on pense toujours savoir ce qui est le mieux pour elle sans même lui avoir posé la question ou présenter les différentes méthodes. On vraiment beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Chez nous certains font des cs gyneco avec première info contraception ,le tout en 10 minutes... on comprend aisément qu'elles reviennent après en orthogénie!!!! Je comprend ton mal être et je ressent souvent le même quand on me demande de venir donner de la myfégyne à une patiente que je ne connait ni d'adam ni d'ève et à qui j'ai tout juste le temps de dire bonjour et bon courage car on m'appelle entre deux accouchements et parce que le medecin du planning est occupé, c'est juste insencé!

    NB: je ne ressent aucune animoqité envers les infirmières dans ton texte, juste le raz le bol d'être constamment sollicitée pour tout et n'importe quoi!

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