• Le métier où l'on ne fait rien

    L'accouchement est le versant le plus médiatique du métier de sage-femme. C'est aussi celui où en on fait le moins. D'ailleurs à la question "kes' tu fais à l'accouchement?" j'adore répondre stoïquement: rien. C'est vrai quoi, ce sont les femmes qui accouchent, elles n'ont qu'à se débrouiller ;).

    Je pars du principe où si le bébé avance, qu'il va bien et la mère de même il n'y a pas intérêt à tripatouiller. Certaines sf sont adeptes du masse ton périnééééééée, franchement ça me dit trop rien de "masser" un tissu déjà entrain de s'étirer dangereusement et des fois ça craquouille plus qu'autre chose. Mon but suprême à un accouchement, ne rien faire que de retenir la tête et dégager les épaules. La fierté ultime de tout sage-femme au bloc obstétrical, le périnée intact (alors qu'on n'y est vraiment pas pour grand chose).

    Ainsi je suis parfois un monstre d'auto satisfaction pas tellement justifiée mais c'est pas grave ça fait du bien quand même. Je me souviens alors du premier gros gros bébé qu'on m'a laissé gérer toute seule. La maman avait déjà accouché d'un bébé de 3900g péri/épisio. Pour celui là, elle avait fait un diabète gestationnel, un bébé au dessus des courbes et n'avait pas de péri. Les gros bébés dus à un diabète ont plus de chances de faire une dystocie des épaules du fait de la répartition du tissu adipeux (ils sont gras du haut) et moi j'avais peur de ça. J'avais également peur que du fait de ce risque la sf me demande de faire une épisio. J'ai vraiment du mal avec ça et il faut me forcer pour que j'en fasse...d'ailleurs j'en ai fait deux et demi en une 40aine d'accouchements. Pire que j'aime pas faire, je ne sais pas faire. J'arrive plus à recoudre qu'à couper. Bref, là n'est pas la question.
    Donc, le travail se passe vite, très rapidement, ça poussssse. On s'installe. La tête arrive, je me dis que vu le bébé de presque 4kg qui est passé, la rapidité du travail, de la descente, le bassin devrait supporter le 4kg qui s'annonce. On voit de plus en plus de cheveux, je retiens doucement mais fermement comme au péril de ma vie (pas envie d'une brutale déflexion de la tête) et piouf, elle sort. Je restitue et lui met quand même le "menton sous la symphyse" pour aider à l'engagement de l'épaule. J'abaisse, je vais pour faire un Couderc (dégager le bras antérieur) mais comme je vois que les épaules viennent plus ou moins toute seules j'arrête. On me demande si je veux "un poing sus-pubien" (toujours pour aider au dégagement des épaules) mais comme elles viennent doucement mais surement je dis que ça va. L'épaule postérieur sort, vala, je peux poser le bébé de finalement 4400g sur sa maman. Puis surtout je suis trop fière d'avoir un périnée nickel, il n'a même pas les éraillures de m°°°° que je fais parfois sur les petites lèvres (alors que je fais gaffe à pas les toucher en plus!!) Je sais que ce n'est pas forcément ma faute mais tant pis, ça me rend quand même heureuse.

    Dans la profession de sage-femme, où le professionnel est censé être le garant de la physiologie la maxime primum non nocere est d'autant plus vraie. Et avant de se mêler de quelque chose qui se passe bien se demander si on ne nuit pas n'est pas idiot. Alors moi je n'ai aucun complexe à dire que je ne fous rien, aucun problème avec le fait de ne rien faire...et puis...ce n'est pas parce qu'on ne touche pas qu'on ne fait rien. Ainsi pendant une garde une sage-femme accouchera plusieurs fois, aura des abdo d'aciers et un périnée prolabé mais elle est payée pour ça.


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  • Commentaires

    1
    Samedi 7 Février 2009 à 19:03
    purée que ça fait du bien de lire des trucs comme ça venant d'esf!j'pensais pas que vous ayez cette vision, d'où as tu "appris" ça?certainement pas à l'école!!
    Encore merci
    2
    Knackie Profil de Knackie
    Samedi 7 Février 2009 à 19:50
    Dans mon école les enseignants vont et viennent, certains plutôt physio, d'autres ayant bossé dans des mater plus "techniques", du coup on prend un peu de tout. Ensuite c'est sur le terrain qu'on voit et qu'on essai de garder le meilleur à chaque fois. Et puis il y a aussi ce qu'on est. Moi par exemple j'ai vite le sentiment d'être apprenti boucher si je tripatouille trop, malheureusement des fois il faut (DA-RU...) mais quand je ne trouve pas de justification je ne vais pas en inventer.
    Puis il y a tout l'enseignement scientifique et de recherche qui débute dès la P1, les gens qu'on cotoie et qui réfléchissent sur les pratiques... ce qui doit amener à avoir un fondement scientifiquement justifié à nos gestes et conduites à tenir.
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    3
    Dimanche 8 Février 2009 à 11:22
    Ok, et bien je suis rassurée tu sais qu'il y ait des étudiant(e)s comme toi finalement, tout le monde ne boit pas les paroles divines des chers profs sans se poser des questions....
    4
    naruta17
    Mercredi 11 Février 2009 à 10:38

    Ouais, je pense que c'est aussi une question de maturité et de vécu; genre ok le prof t'apprend un truc, la théorie mais après il faut faire la part des choses je pense; Pour ma part j'ai été un peu traumatisée de mon accouchement et si jamais un jour je suis prise en sage-femme ( si la P1 le veut), je pense que mon expérience me servira à ne pas dépasser les limites avec les femmes..Après je pense que ça doit être difficile, surtout quand on débute, de trouver un juste milieu entre la médicalisation acceptable et le reste.
    enfin on rentre toujours dans le débat sur l'accouchement qui est normalement physiologique mais quand même pas tout à fait quand on voit ce qui peut arriver....
    bon j'arrête de me tourmenter :D

    5
    Knackie Profil de Knackie
    Mercredi 11 Février 2009 à 17:32
    En médecine, les profs sont loin d'être les détenteurs de l'unique vérité, ça évolue bcp trop. On nous dit quelque chose soit, mais un prof honnête cite ses sources et sur quoi sont cours se base (études etc...), c'est ça qui sert à faire la part des choses. Les sciences médicales ne sont pas dédiées aux cours dogmatiques. D'où l'importance des enseignements du style Lecture Critique d'Articles qui permet d'aprendre à se faire soit même ses idées en cherchant une litérature la plus fiable possible.

    Ensutie il y a l'attitude avec les femmes, et ça chacun fait comme il veut.
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