• Elle est d'origine africaine et entrain d'accoucher. Lorsque j'ai vu sa vulve j'ai trouvé ça bizarre, pas comme d'habitude. C'était net, propre, mais il manquait des trucs. C'était la première fois que je voyais un périnée excisé, sans petite lèvre. Je ne vais pas spécialement m'attarder dans cet "article". On peut lire tout ce qu'on veut sur les mutilations sexuelles, voir des schéma, des photos, lire que finalement c'est peut être pas vraiment une mutilation si elles le veulent bien (sic) Mais le voir en vrai c'est différent. Et pour couper court (ahah), oui c'est une mutilation.

    Ensuite, il y a mon boulot de sage-femme. On était putain bien emmerdé pour la naissance. Ce genre d'intervention, outre que faire fabriquer du tissus fibrineux pas du tout élastique, amène une pression sur le périnée antérieur lors de l'expulsion plus importante qu'à l'accoutumé. On risque ainsi une déchirure hémorragique, diffiicile à reprendre, pouvant léser le méat urinaire, le clitoris (s'il en reste), bref un peu toute cette zone. On convient donc de faire une épisiotomie qui, et là c'est prouvé, décharge le périnée antérieur en ouvrant le postérieur. Moins on fait d'épisio, plus on a de déchirures antérieures qui sont, dans le cas d'une patiente avec tous ses organes, souvent bénignes. Mais voilà, là c'était différent.

    Dans mon esprit on allait re-faire souffrir des tissus déjà "traumatisés" et le pire était qu'on nous avait forcé la main. Choisi pour nous, et la patiente bien longtemps avant.

    Ca m'énerve.


    Liens: chez l'OMS

              chez Aly Abbara

              chez le Ministère de la Santé


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  • Je n'aime pas le bloc opératoire. Je m'y sens gauche, il fait froid et puis faut dire, si t'es pas en stérile c'est chiant à mourir. Ce n'est pas pour autant que je n'aime pas les chirurgiens, mais bon, faut être honnête, on ne vit pas dans le même monde.

    Le chirurgien c'est le chaînon manquant entre l'autiste et l'homme communiquant, tout du moins lorsqu'il est au bloc. Parce que le chirurgien qui opère n'est pas vraiment quelqu'un de "normal". Déjà il ne parle pas de ce qu'il fait, si ce n'est pour partir dans une tirade dramatique sur l'incompétence des gens qui gravitent autour de lui. Lorsqu'il opère le chirurgien ne demande pas une kelly courbe, il tend la main. Sinon ce serait trop simple. Du coup, le chirurgien déteste le changement. Si par malheur on lui renouvelle son IBODE un frisson le parcours dans tout son corps musclé, il a peur, peut-être qu'il devra... par-ler !

    En tant qu'étudiant sage-femme, on a plusieurs fois l'occasion de mettre les pieds dans des blocs opératoires parfois loin de l'obstétrique. C'est ainsi que j'ai passé 3 semaines dans un bloc en clinique. Bloc en clinique ça veut dire un espace, plusieurs salles, plusieurs spécialités, pas d'externe, pas d'interne, pas d'anesthesiste (ou si peu ^^). Du coup, ça laisse de la place autour du patient.

    Lorsque je suis arrivée on m'a dit d'emblée ça c'est LA salle des orthopédistes. On sentait l'angoisse dans la voix. Double sas, le ménage fait à fond, on mes les a présenté comme des maniaques de l'hygiène... faudrait pas mettre un staph' sur leur PTH. Bref, j'ai vite compris que je n'aurais jamais le droit d'entrer dans leur antre. Je ne verrais pas comment on visse une tête fémorale. Tant pis. On m'a emmené alors en urologie. C'était un vieux chirurgien qui opérait. Son boulot c'était de faire tourner la clinique en enlevant des prostates. Il en faisait deux à trois la plupart des jours de la semaine. L'intervention était bien rôdée, bien rentable. Il ouvrait le ventre, mettait tout plein de fils comme dans un piano et zoup. Au bout de la 5ème prostate retirée, j'avais eu ma dose.

    Je suis allée en gynécologie voir des "cure de prolapsus". Sur mon tabouret je regardais l'intervention coelioscopique sur l'écran. Au moins là je voyais aussi bien que le chirurgien et l'IBODE. Et on met la bandelette sur le promontoire blablabla blablabla, au bout de la 5ème j'arrivais à voir les différents temps opératoire et quand on était proche de l'heure d'aller manger.

    Et puis il y avait les "phimosis" Plusieurs par matinée, c'est fou... Pauvre sécu...

    Lorsque je voyais les vasculaires, je me cachais. Il y avait un chirurgien très méchant, son travail c'était d'enlever des varices... il devait être aigri car dans son bloc, c'était 10 minutes d'opération, 10 minutes de blagues douteuses mélées à des insultes. Joie.Des fois, j'allais voir les anesthésistes.

    Et puis un jour, le dernier, j'ai pu m'habiller. C'était sur une ablation d'un rein qui devait faire le triple du poids normal, tout rempli de tumeur dégueu. L'intervention a duré plus de 4 heures dont les trois quart à retirer les adhérences.  Pour le coup, j'avais chaud. Je tenais tantôt l'aspiration, tantôt les écarteurs. Les 4h sont finalement passées assez vite. Je suis partie en retard. J'avais 1h de transport en commun. Mais ce n'était pas très grave.

    Dans les services, les chirurgiens sont facilement reconnaissables: ils relèvent le col de leur blouse et passent vite dans les couloirs de peur qu'on leur pose des questions médicales.

     

    Nous en obstétrique on travaille avec des transfuges. Les gynécologues obstétriciens sont moitié médecin, moitié chirurgien et la répartition n'est pas forcément égale. Mais le gynéco est bien chirurgien lorsqu'il impose la même chanson en boucle dans le bloc pendant l'intervention. J'ai évidemment fait un stage dans le bloc obstétrical côté "chirurgie". On ne peut pas dire que la joie et le bonheur me submergeaient. Une fois je me suis même faite engueuler parce que habillée sur une césarienne, je ne touchais pas assez de choses... ben oui mais lorsqu'il y a un chir, un interne, un interne et moi avec un intérêt relatif faut dire euh... Du coup je me suis mise à jeter tous les champs un peu imbibés de sang en temps réel, le chir était content. Monomaniaque vous dis-je.


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  • Elle est indienne, plutôt sympathique. On a découvert lors d'une échographie que son enfant avait une grave malformation cardiaque. In utéro il va bien, protégé par la circulation foetale, mais s'il venait à naître il mourrait. Peut être en quelques minutes, peut-être en quelques jours. Et puis il y a d'autres choses aussi qui ne vont pas, qui font que même dans le ventre de sa mère, ce foetus est fragile. On a expliqué les choses à la mère, au couple. Ils ont écarté la possibilité d'une Interruption Médicale de Grossesse et optent vers un accompagnement à la naissance.

    Elle est indienne et dans sa chambre, la journée, il y a souvent du monde, de la musique, et des plats odorants. Tous savent ce qui se passent et vont de leurs conseils, pensées ou parlent carrément d'autres choses. Et puis elle est belle et souriante. On pourrait croire qu'elle ne se rend pas compte de la gravité de la situation, qu'elle espère qu'une fois né, tout ira bien. Ca pique un peu.

    C'est la nuit que je m'occupe d'elle. La nuit, elle est seule. Ce soir là, ça ne va pas. Elle a mal à la tête, ne se sent pas bien. Je fais mon travail de sage-femme bien apprêtée, prise de constantes, anamnèse etc... et tout cela débouche sur le diagnostic d'élimination ultime "être patrac". On discute un peu, elle est vraiment gentille, et a tout à fait compris la situation dans laquelle sa grossesse se trouve. Je vais pour m'en aller mais elle me fait signe de laisser la porte ouverte, elle n'est pas rassurée. Elle ne me rappelera pourtant pas de la garde.

    La nuit suivante, j'apprends à la relève que son foetus est mort dans la journée. Je me dis "gloups", peut-être qu'hier soir ça n'allait pas, que j'aurais dû faire quelque chose de plus ? Mais en fait non. Il est mort dans la journée, de ses autres dysfonctionnement, une sorte d'IMG "naturelle". Lorsque j'entre dans sa chambre je lui demande un peu penaude comment ça va... On ne m'a pas vraiment appris les mots magiques pour ce genre de situation alors je me suis faite à l'idée qu'ils n'existent pas. Elle est triste, mais néanmoins soulagée. Elle n'aura pas à le voir mourir petit à petit et la Nature a finalement décidé toute seule. Elle m'annonce alors qu'hier soir elle sentait les choses arriver, que si elle m'avait demandé de laisser la porte ouverte c'était pour laisser son petit s'en aller, comme ça. Ca parait si surréaliste dans ce monde de "bip-bip", de moniteurs et de machines. Elle est si calme, esquisse même un sourire. Je m'échappe de la chambre avant de m'effondrer. Cette fois, elle me laisse fermer la porte.

    Je continue mon tour, heureusement, il ne me reste plus beaucoup de patientes à voir. J'en ai annoncé quelques unes des morts foetales in utéro et quelques unes des fausses couches, mais c'était la première fois qu'une patiente paraissait si consciente, appaisée et résignée. En fait, elle était émouvante. C'était la première fois que je voyais dans une situation si triste, un peu de beauté et de poésie.

    Elle est indienne et a de la chance de pouvoir croire à la fatalité. Et nous, pauvres occidentaux, avons de la chance de pouvoir côtoyer des "pas comme nous" qui se cognent à nos irréductibles Vérités.


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  • Article privé, me contacter pour le mot de passe, merci.

    Mot de Passe:


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  • Le décor: Une maternité type 2, environ 1000 accouchements/an.

    Les personnages: Un couple dont une femme en travail. Une sage-femme expérimentée, et moi, encore étudiante.


    C'est un deuxième bébé. Elle avait accouché une première fois en Grande-Bretagne, à domicile. Domicile parce que c'est le pays où elle a grandi. Domcile aussi, parce qu'elle était chez elle, dans sa maison.
    Elle vivait en France depuis quelques années. Les britaniques habitant en France sont nombreuses à repartir dans leur pays d'origine pour leur suivi de grossesse. Elle, n'a pas pu. Elle n'a pas non plus trouvé de sage-femme libérale pouvant assurer un accouchement à domicile. Du coup, elle s'est inscrite dans cet maternité, la seule du coin.

    Nous la recevons donc. Elle explique son projet. Nous dit qu'elle souhaite rester la plus libre possible, avec son mari, et sans péridurale. Elle comprend bien qu'elle est à l'hôpital et qu'ici on aime bien une certaine technicisation. Elle n'est pas obtue, ça tombe bien, nous non plus. Elle accepte alors une voie veineuse, au cas où. On ne branche pas de perfusion, on bouche juste le catheter. Concernant le monitoring, ben nous on aimerait bien en avoir. Elle, elle aimerait bien ne pas être clouée au lit. La maternité ne dispose pas de monitoring sans fil. Et ce n'est pas dans le projet d'établissement, qui veut mettre des sous ailleurs. Mais bon, après tout, les fils sont grands, on a vérifié, on peut faire le tour du lit avec. Et puis, il y a des roulettes. On branche donc l'appareil, surtout pour le rythme cardiaque foetal, la dynamique utérine est facilement évaluable cliniquement. Forcément, on ne capte pas toujours bien le coeur mais on a des plages assez longues pour pouvoir analyser, dire que ça va bien.

    On la laisse avec son mari. Ils gèrent très bien tous les deux, surement mieux que ce que j'aurais pu lui apporter. On voit qu'ils sont préparés, qu'ils ont déjà vécu ça. J'ai l'impression qu'ils se servent de la maternité, de l'équipe, pour juste ce dont ils ont besoin et c'est tout. On l'examine quand même de temps en temps, quand les sensations changent. Juste assez pour dire que le travail avance, normalement.

    Pour l'accouchement, rien est décidé, elle verra bien au moment venu ce qu'elle voudra faire, on s'adaptera. Ca m'a toujours surprise les femmes ont déjà une idée précise de la position qu'elle prendront lors de l'accouchement, de la tête jusqu'au orteils. Qui peut dire ça sans vraiment y être? Bref. Arrive le moment où elle nous appelle. Les contractions s'intensifient, ça pousse de plus en plus fort, elle veut de l'aide pour s'allonger sur le lit. Elle tient de moins en moins debout. Une fois sur le matelas, la poche des eaux se rompt et les cheveux de l'enfant deviennent visibles. La sage-femme m'ouvre des gants stériles, la table d'accouchement est prête. La femme s'agite un peu, elle a mal, pousse fort. Je m'assoie sur le lit, la guide un peu, et essaie de la rassurer surtout. Je suis contente, j'adore les accouchements "au lit", sans table cassée et sans le **** de scialytique qui m'écorche les yeux. La tête sort rapidement, puis les épaules, puis l'enfant que je pose sur son ventre. Elle est heureuse et pour le faire partager m'arrache le bras en me disant MERCI. En l'écrivant, je peux encore en sentir la sensation.

    La délivrance se fait dans les minutes qui suivent et à l'examen le périnée est intact. On remet tout le monde au propre et on se fera surement engueuler par les ASH, il y a des traces au sol.


    Tout ça pour dire que forcément, cet accouchement n'était pas "parfait". Dans son idéal cette femme aurait préféré autre chose. Et l'équipe médicale aurait peut-être été plus confortable autrement. Ou pas. Quoiqu'il en soit les deux parties ont su faire des compromis pour que ce soit acceptable pour chacun.
    Cette maternité n'est pas connue pour être particulièrement physiologique, il y avait ce jour là une autre patiente en travail. Comme quoi. Ne pas arriver le couteau entre les dents, peut aussi servir.


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