• La trentaine, c'est sa deuxième grossesse, la première s'étant soldée par une fausse couche. Elle est hospitalisée car elle a rompu la poche des eaux trop tôt.. trop tôt même pour espérer un enfant vivant s'il devait naître maintenant. Au cours de la nuit elle m'appelle pour des sensations bizarre... contractions ? C'est fort possible.Au toucher vaginal le col est déjà bien dilaté. Au dessus de mes doigts je sens le foetus qui descend... Je ne saurais dire ce que je touche. Une épaule ? Je déteste cette sensation.

    Je me retrouve alors à annoncer la nouvelle à cette femme qui espérait tant que non, ce n'était pas *encore* ça. Et pourtant. Je ne sais pas trop quoi dire alors je reste basique. Quelque chose comme "le col s'ouvre avec les contractions et on ne pourra pas empêcher l'accouchement. Malheureusement on est encore tôt dans la grossesse et on ne pourra pas prendre en charge le bébé". Je reste un peu avec elle mais le temps presse aussi. Je dois prévenir le médecin de garde qui passera la voir, et l'équipe de bloc d'accouchement qui la recevra.

    J'ai continué à voir cette patiente après son accouchement... et il faut dire qu'après je n'ai jamais vraiment bien réussi à parler avec elle. Je ne sais pas trop pourquoi. Elle ne s'est pas répandue en larmes dans mes bras en criant "pourquooooooooooooooi ?!!", là j'aurais pu *peut-être* faire quelque chose. Elle n'était pas mutique non plus. Je crois que je me sentais mal à l'aise, voire coupable (alors que je n'y suis pour rien).Je n'ai fait que dire que j'étais là et qu'elle pouvait m'appeler... sauf que lorsque je dis ça pas grand monde m'appelle justement. Ca doit en rassurer certains de savoir que si on veut on peut mais quand même.

    Alors, des fois on n'est pas bon et on le sait. On a beau avoir de la bonne volonté ça ne suffit pas toujours. J'espère que ça s'améliore avec le temps. Enfin... je m'habitue difficilement aux escroqueries de la vie.

     

    (pardon pour l'extrême gaieté de ce blog ^^)
    (en même temps je ne suis pas gay)


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  • L'aide soignant m'avait prévenu: "attention à Mme Astérix, elle griffe et elle mord"  et pour preuve de me montrer son avant bras portant des traces de dents.
    Ca fait plutôt longtemps que Mme Astérix vit dans le service de gérontologie de l'hôpital. Le service d'où tu ne sors jamais si ce n'est sur un brancard. Elle est plutôt maigre, cheveux blancs, peau frippée et des yeux d'aigle. Son regard permet une communication basique... on ne l'entend jamais articuler des mots. Elle pousse juste quelques cris ou grognements, notamment lors de la toilette.

    Ce matin c'est le jour de la douche. Deux fois par semaine on douche les patients grabataires dans une espèce de brancard recouvert d'un matelas waterproof. Ca fait parfois peur aux patients. il faut les transférer du lit au brancard et les amener dans une salle de douche un peu exigue où on les lavera à grande eau.
    Madame Astérix déteste la douche, d'ailleurs on essaye de l'y amener qu'une fois par semaine. Aujourd'hui c'est donc son tour.

    Je vais aider l'aide soignant dans cette tache des plus ardues. On y va calmement, on la prévient, on la transporte, elle se met à hurler. Très vite elle essaye de nous prendre le bras pour nous immobiliser en le griffant ou mordant. On a du mal à la maintenir, on a peur de la casser. Du coup on abrège le soin, l'eau qui s'arrête la calme un peu. Une fois dans sa chambre l'aide-soignant me laisse l'habiller et la coiffer. on choisit donc les vêtements, puis je les brosse les cheveux.

    Un peu plus tard je la retrouve sur son fauteuil dans le couoir, sa brosse à cheveux toujours en main, j'ai l'impression qu'elle me fait signe. Je m'approche et là elle me dit les yeux rouges qu'elle s'excuse pour tout à l'heure, qu'elle avait vraiment très peur. C'était la première fois que j'entendais Mme Astérix parler, ce fut la seule fois en trois semaines d'ailleurs.

    Mme Astérix n'était pas forcément qu'une vieille folle qui mord. Il y avait bien sa vraie personnalité au fond et dans un univers aussi bizarre que ce service hospitalier qui peut continuer à rester normal ?

    A ce jour elle est surement morte, tout comme Mme Longriver qui espérait rentrer chez elle bientôt... dans sa maison vendue par ses enfants. Je suis bien contente de ne pas travailler dans un tel endroit, c'est moralement épuisant, les petits vieux sont pour la plupart attachants et toutes leurs histoires sont plus tristes les unes que les autres.

    A côté de ça on a des femmes enceintes qui trouvent vraiment scandaleux qu'on ne les autorise pas à rentrer chez elle avec le col ouvert à trois centimètres à 30SA. Elles retrouveront un jour leur maison, elles. M'enfin.

    Au bout de 5 ans je me souviens encore de leurs noms à ces vieux, serais-je condamnée à toujours être hantée par ce lieu ? Brrrr.

     


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  • Comme je n'aime pas les gens, forcément je n'aime pas l'hôpital. Pourtant j'y travaille. J'en suis parce que d'un côté on y fait des choses intéressantes et des fois on se marre bien quand même. J'ai un salaire sans me prendre la tête dans la comptabilité marsienne et j'ai du temps pour moi. Pas mal de temps. Foutus fonctionnaires aux 35h !!

    Fonctionnaire ? Moi je ne le suis pas. Je l'avais déjà dis ici il n'y pas de poste. Du coup j'enchaine les CDD... enfin j'enchaine c'est vite dit, mon dernier contrat se terminait fin octobre il me semble. La DRH n'a pour l'instant pas pris le temps de me faire signer les nouveaux... je crois que j'en ai un qui se terminait le 31 décembre et celui sur lequel je suis actuellement doit être valide jusqu'aux remplacements d'été. Je crois. C'est pas un peu se foutre de la gueule du monde? Moi je pensais en janvier avoir un CDD d'un an, comme les autres les années d'avant ! Le fait de rien signer à près tout je m'en fout, je reste libre de me barrer quand je veux si je sature et si je veux embêter le monde je peux même faire convertir l'absence de contrat en CDI (il me semble que c'est un truc comme ça dans la loi... enfin le droit du travail dans le public c'est un peu Zola)

    Mais pour le coup ça ne motive pas. Un peu l'impression de servir de bouche-trou... Lorsque j'ai commencé à travailler je me posais la question d'attendre jusqu'à une possible titularisation et là plus les CDD se renouvellent, plus elle s'éloigne et ça va faire long. Je suis de moins en moins sure de la vouloir. Na ! J'ai aussi une certaine envie d'aller voir ailleurs, d'autres modes d'exercice. Mais je ne sais pas. J'aime mon confort.

    Mon avenir à l'Hôpital dépend donc de lui, de moi, et du prix de baril de croquettes.


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  • Madame Springlaggle vient pour accoucher et c’est à peu près la cinquième fois en six jours. Elle est gitane et traine avec elle une bonne poignée de copines/parentes à chaque fois. Arrivée chez nous en pleine nuit après une bonne heure de route cette fois on l’hospitalise pour surveillance… histoire de.

    Je fais sa connaissance le matin, les contractions se sont un peu calmées, je la laisse finir sa nuit. Dans le couloir je croise une femme chargée de valises qui demande où se trouve sa chambre.

    En fin de matinée je vais pour faire un monitoring et ça contracte, un peu. Elle en a bien marre madame Springlaggle. Je l’examine et je pense qu’elle a un col un peu mieux qu’aux urgences, huit heures avant. Je lui demande donc ce qu’elle veut faire et bien sûr elle veut rester. Soit, cette fois on l’hospitalise pour de bon. Elle a pour consigne de me rappeler lorsque les contractions se feront différentes.

    Une heure après je croise une femme, une poussette, une petit vieille qui demandent la chambre de Madame Springlaggle. Et, encore une heure après cette dernière m’appelle.

    Soit, je pousse la porte et me retrouve face à plein de femme, un bébé, une vieille entrain de coacher la patiente. Heureusement aussi nombreuses soient-elles, elle restent calmes et polies. Elles me posent chacune à leur tour des questions, je réponds. Je les fais sortir, j’examine, un peu mieux je pense.

    Ce fut comme ça plusieurs heures. Et, à chaque fois que j’entrais dans la chambre il y avait des femmes différentes, à chaque fois elles me posaient les mêmes questions, à chaque fois les mêmes explications et à chaque fois elles restaient calmes et me remerciaient. A la fin j’étais un peu agacée, faut dire, de me répéter, mais elles avaient l’air d’accorder tellement d’importance à mes explications que ça faisait passer le tout.

    Madame Springlaggle n’a pas eu un début de travail facile. Contracter plusieurs jours et avoir un col qui se modifie peu est usant. A la fin les contractions étaient bien douloureuses et tout son entourage l’encourageait. Ca agace parfois les soignants d’avoir une ribambelle d’accompagnants dans les chambres. Ceux-là étaient plutôt salutaires. Je crois que jamais la patiente n’aurait pu attendre si longtemps avant la salle de travail s’il n’y avait pas eu ses amies qui lui parlaient, la faisait sortir un peu etc…

    Alors, les gitans à l’hôpital ça fait froid dans le dos. Pour une patiente on a souvent à gérer une vingtaine de personnes inquiètes, ne voulant pas partir. Si l’on passe la difficulté organisationnelle et qu’on part dans le sentimentalisme c’est plutôt sympathique. Qui aujourd’hui peut se vanter d’avoir toute une tribu derrière soi en cas de problème ? Alors bien sûr, c’est loin d’être idyllique et les campements, les clans et les familles ce n’est pas le monde des Bisounours, mais rêvons un peu.

    Au final et en tant que soignant, il parait nécessaire de ne pas se faire envahir et toujours parler à un interlocuteur. Bien des familles comprennent que non, à douze dans les couloirs de l’hôpital en parlant fort, ce n’est pas possible suffit d’y mettre les mots sans qu’ils le prennent comme une agression. Le respect réciproque intervient alors comme LA solution. C’est en fait la solution dans beaucoup de choses et pour l’instant je n’ai jamais eu à me plaindre de ça avec les familles gitanes.

    Encore une fois j’arrive au : si toi être gentil avec moi, moi être gentil avec toi. C’est bête hein ? C’est la base des relations humaines et pourtant ça devient une denrée menacée à la maternité. Menacée par des femmes craignant qu’on leur vol leur grossesse/accouchement et qui d’emblée arrivent le projet de naissance (fraichement copié du Net) entre les dents, menacée par le manque de confiance, menacée également par les a priori des soignants. Ces derniers n’ont pourtant pas à avoir un jugement avant même d’avoir vu leurs patients.

    Mais voilà, un gitan à l’hôpital ça amène à plein de préjugés. De même qu’une prof enceinte (boudou qu’elle va être chiante). De même que plein de choses. Et j’aime pas. Les gens qu’on prend en charge ne sont pas des situations types.

    Et, pour revenir à Madame Springlaggle, je lui ai souhaité bonne continuation avec sincérité. L’histoire ne me dira malheureusement pas si ce col a enfin voulu bien jouer le jeu.



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  • Un jour j'ai dit à une maman qu'on allait mettre le fauteuil, resté dans sa chambre, dans le couloir. Ainsi les autres mamans pourront l'utiliser.
    Je savais bien pourtant qu'elle avait une maladie neuro-dégénérative qui progressivement l'empêchait de se déplacer.

    Ce fauteuil c'était le sien, bordel.

    Faut dire qu'il ressemblait à un joli qui est dans le service de temps en temps, celui qu'on n'a pas piqué à la gériatrie.

    Ce fût mon excuse.
    Raison de plus pour faire encore plus attention.


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