• Le suivi de grossesse physiologique est au centre d'une querelle, voire d'une lutte acharnée pour avoir son bout de tissu. Trois professionnels de santé sont habilités à réaliser des consultations de grossesses physiologiques: sage-femme, médecin généraliste et gynécologue (médical ou obstétricien). Une grossesse peut tout à fait être suivie en ville, on demandera alors que les dernières consultations se fassent sur la maternité où la patiente souhaite accoucher (histoire de la connaître...). Si un accouchement à domicile est envisagé c'est un peu différent. En cas de pathologie de la grossesse cette liste s'amenuise puisque seul le gynécologue est compétent pour suivre ces femmes, en collaboration avec les autres professionnels de santé.

    Je passe sur les grossesses pathologiques, ce n'est pas le sujet aujourd'hui. J'écris sur les grossesses physio et là une question, quel intérêt pour le professionnel de les suivre ?

    - le gynécologue: c'est fun, rapide, en 10 minutes on peut largement faire l'examen clinique+prescription nécessaire et au revoir, au mois prochain. Si on considère qu'un suivi de grossesse, même physio, ce n'est pas que celà, on peut aller plus loin. Parler de tout ce qu'il y a autour de la grossesse selon l'age gestationnel. Parler "chiffon". Parler lieu d'accouchement, parler manière d'accoucher etc...

    - le médecin généraliste: c'est fun mais peut-être pas si rapide. On voit une patiente qu'on connait déjà autrement que pour une rhino J1, on suivra peut-être son enfant, les deux jusqu'à la mort. Médecine générale utopique? Mouai. Enfin, c'est cool quoi.

    - la sage-femme: c'est fun, rapide ou pas selon ce qu'on veut faire de ses consultations. Mais, c'est surtout une des partie essentielle de son métier. Ce pour quoi elle a été formé de manière spécialisée. Car oui, on peut être spécialisé en physiologie.


    Parlons technique et je vais faire grincer des dents, qui fait quoi ? Et qui à mon sens, devrait faire quoi dans le monde idéal de Knackie.


    Déjà les sages-femmes. Les sages-femmes devraient réellement être LE praticien de la grossesse physiologique (comme on le dit dans son beau et joli Code de Déontologie faisant partie du Code de la Santé Publique et qui régit la profession). Nous avons l'avantage de connaître physiquement tout le parcours d'une femme enceinte des BCHG+ à la vaccination du marmot. Nous sommes passés partout, nous avons exercés partout pendant nos études et du coup lorsqu'on en parle et bien... on voit de quoi on parle et mine de rien, c'est un confort bien confortable. Dans certains pays européens (je ne me rappelle plus lesquels), la sage-femme est vraiment considérée comme cela. Le suivi par celles-ci est incité et parfois même "obligatoire". En effet, il existe un pays (mais lequel??) où une femme enceinte doit obligatoirement voir une sage-femme pendant sa grossesse et le recours au gynécologue si pathologie en dépend. C'est peut-être extrême...
    Alors, je regrette que nous ne soyons pas intégrés au parcours de soin. Ainsi lorsqu'on voit une patiente et qu'elle un truc qui nous dépasse. On peut renvoyer au généraliste hors parcours et ce n'est pas considéré comme "avis spécialisé", ça le pourrait pourtant. Si on veut un avis gynécologique de même (mais le gynéco fait parti de ces médecins que l'on peut consulter directement sans passer par un généraliste et ainsi être remboursé). Et pire, si on voit une femme en consultation avec une dermatose bizarre, pour valider le parcours de soin on doit l'adresser au généraliste qui dira "oui vous avez une dermatose bizarre et puis vous êtes enceinte AAAAAAAAAAH-llez voir un dermatologue". Sympa pour la femme qui se fera balloter de cabinet en cabinet pour le bien de l'Assurance Maladie.


    Ensuite les gynécologues. Dans mon monde idéal ils devraient faire principalement la compétence qui leur est propre: suivre des grossesses pathologiques. En réalité, ils suivent beaucoup de physio, de la patho certainement, qu'ils renvoyent aux sages-femmes pour un suivi plus rapproché (cherchez l'erreur). Ainsi la patiente hypertendue verra son gynéco une fois par mois, sa sage-femme deux fois par semaine avec son tensiomètre, pareil pour une Menace d'Accouchement Prématuré, ah ça, ce n'est pas le gynécologue qui va faire des visites à domicile pour évaluer la MAP. Bref, vous m'avez compris, comme une impression que les rôles sont inversés.


    Et au milieu, les généralistes qui pour moi (attention attention pas taper tout de suite) n'ont rien à faire dans le suivi de grossesse avec la formation initiale qu'ils ont. C'est à dire, quelques heures de cours théoriques et un stage d'interne obligatoire en gynéco. Le stage obligatoire ça peut être 3 mois à faire des consultations, accouchement etc... comme une demi-journée à voir des colposcopies. Rien n'est réglementé à ce niveau là. Et du coup, j'ai de mauvaises expériences avec les généralistes. Lorsque je faisais des consultations à la maternité et qu'une femme arrivait, la bouche en coeur, pour la première fois disant "c'est mon médecin qui me suivait", j'avais des sueurs froides. Entre la sérologie rubéole faite tous les mois ou pas faite du tout, le dépistage trisomie 21 non proposé avec une échographie du 1er trimestre montrant une clareté nucale à 3 mm et  là on est à 28 SA, la prévention de l'allo-immunisation rhésus rattrapée de justesse. Enfin bon, je me méfiais quoi. Pour moi le généraliste c'était au pire, celui qui disait à la femme non immunisée pour la toxoplasmoe de tuer son chat, au mieux, celui qui suivait scrupuleusement le tableau HAS en tirant la langue.


    Et puis, j'en ai rencontré des bien, qui s'intéressaient à la chose et allaient chercher les informations. J'en ai vu des gentils avec des couettes et d'autres qui m'on fait un câlin. Ca fait un peu réfléchir. Je me dis que leurs patientes déjà, ont de la chance, et pourquoi iraient-elles voir un intervenant supplémentaire ? Seulement voilà, eux, c'est parce qu'ils le veulent bien. Rien n'empêcherait un confrère moins scrupuleux de faire n'importe quoi sur une grossesse et moi ça me dérange.
    Et puis bis, il y a la question de mon utilité. A quoi je servirais alors ? La seul compétence qu'une sage-femme a et qui ne peut être remplacé par AUCUN professionnel de santé c'est la préparation à la naissance et à la parentalité. Pour tout le reste nous sommes substituables soit par un infirmier (spécialisé ou non), soit par un médecin, soit par un kiné. On arrête tout ? Après seulement deux ans de diplôme ça me ferait mal.

    Certains disent également "oui mais de toute façon chez moi, il n'y a pas de sages-femmes". Mouais. Chez moi, il y en a plein et elles ne suivent pas forcément beaucoup de grossesses pour autant. Et si ce ne sont que les "gentils" généralistes qui renvoient faire les sf, reste alors les boulets et leur suivi approximatif qui eux, se les gardent. J'ai toujours été convaincu qu'une collaboration généraliste/sf était le B-A-BA tout comme la collaboration généraliste-autres spé médicale. Je voyais du genre généralite reçoit BHCG+, propose la sf, la sf tiens informée, renvoit pour autre chose etc etc... Et ça se passe comme ça un peu, de plus en plus. 'fin bref.


    Je vais mettre un peu d'eau dans mon vin et dire que oui, un généraliste peut suivre une grossesse... s'il est "gentil" (comprendre compétent et tout et tout). Même s'il ne connait pas tous les rouages du système, même s'il y a quelques approximations, ça se rattrape, pas de quoi parler "perte de chance". Mais à dire ça j'ai vraiment l'impression que je soulève une question plus pénible, à quoi je sers ?


    18 commentaires
  • En ce moment, je manque un peu d'inspiration et, pour ne pas vous infliger des articles vides de sens, je me suis dit que ça pourrait être sympa d'en (re)découvrir certains. Voici donc le début des rediffusions.

    Une sage-femme dans le coeur

    Bien qu'inconnue d'à peu près tout le monde, la profession a pourtant de quoi toucher les gens. Puurtant, beaucoup rencontreront au moins une fois les petits êtres roses (ou blancs, ou bleus, ou vert immonde...). Et puis piouf, souvenir parti, échappé, avec l'anesthésiste sauveur, avec l'obstétricien qui a délivré le bébé d'une mort certaine pour un retenage de tête et 200 euros de dépassement d'honoraire, une auxi irritante qu'on a envie de taper très fort... le contact avec la sage-femme s'oubliera ou du moins il restera mais peut-être ailleurs que dans le rationnel, peut-être moins dans son versant "sage-". Au final, on a tous une sage-femme dans le coeur.

    La mienne, j'en ai déjà parlé. Mais, question de quotas, il me faut aussi des articles doux comme des roudoudous, je la sors donc de ma poche ventrale en véritable joker. Ma sage-femme a complètement quitté le monde du rationnel. D'ailleurs si je n'en faisais pas les études et qu'on me demandait ce que fait une sf je répondrais sûrement le visage hébété que je ne sais pas mais que ma mienne c'est la mieux, la plus belle, la plus gentille, la plus intelligente (l'ordre des qualificatifs n'est pas significatif). C'est d'abord celle qui pour la première fois m'a permi d'assister à un accouchement beau à regarder...il faut dire que jusque là je n'avais pas été très "gatée" entre les forceps sur échec de ventouse (dès que j'assiste à des ventouses ou à des versions par manoeuvre externe pour tenter de tourner le bébé la tête en bas, ça ne marche jamais) suivi d'un périnée complet compliqué, blabla blabla. Donc voilà, je vois un accouchement non hémorragique, où l'on ne braque pas tous les phares vers la mère, avec une sf héroïque.
    Mais, avant d'être la sf de mon premier vrai accouchement, c'est également la première sf à m'avoir considérée en tant qu'étudiante avec comme définition "celle à qui on apprend" là ou les autres me voyaient en tant qu'étudiante "la 1ère année à qui on confie le peu de trucs qu'elle sait faire pour pouvoir fumer la clope". D'ailleurs ma sf fume, boit, et se couche tard ce qui rajoute encore plus à sa grandeur, de plus elle n'abandonne jamais ses patientes pour jouir de ses vices.

    Elle m'a donc prise sous sa douce aile qui sent bon et je regrette un peu d'avoir été aussi boulet (ben oui hein, en 1ère année on n'en mène pas large), elle ne me le fera pourtant pas remarquer. Je reste ébahie devant l'attention intelligente qu'elle porte aux femmes (elle n'hesite pas à s'auto sequestrer dans une salle de travail en communiquant par petits mots avec son étudiant parce que la femme est anxieuse... alors que je vous le rappelle, ma sf fume!!! Combien aurait dit à l'étudiant reste avec, je m'occupe des papiers ce qui signifie reste avec je vais fumer et je regarderai le parto...) Donc voilà, pour la première fois je rencontre quelqu'un à qui j'ai envie de ressembler un peu, qui donne l'impression d'être compétent, humain, couillu et c'est terriblement sexy. Car oui, je ne l'ai pas dit au début mais la sf qu'on a dans le coeur est forcément sexy, c'est ça la classe.
    Dans la logique des choses elle me fait donc participer à mon premier accouchement. Je ne comprends absolument pas ce que je fais (i il a fallu attendre un an pour qu'on ai un cours sur l'accouchement à l'école) et après tout ça m'était pas forcément utile que je touche mais qu'importe. Je touche donc sans rien comprendre mais avec elle qui me guidait de ses mains fermes et caoutchouteuses. Je sens sa respiration tout près, je pourrais presque sentir son coeur battre si le mien n'écrasait pas mes cotes. En fait je devine les différents stades du dégagement en fonction du rythme de sa respiration... mais ça je ne le savais pas vraiment encore. Finalement ce qui m'a le plus marqué dans cet accouchement c'est cette sf, ses mains, ses poumons en parfait état de marche, en fait l'effet d'un accouchement sur la sage-femme. On y lisait son attention, son putain faut que je fasse gaffe.
    Ensuite il y a bien évidemment le bébé, c'est drôle quand on voit enfin le visage. C'est nous qui le rencontrons en premier, c'est pas juste. Petit moment de flottement entre pas encore né, mais plus entièrement dans le ventre, j'essaie de m'imaginer s'il faisait cette tête lorsqu'il était encore dans le bain. Puis très vite le reste vient et zoup, on file à la maman (elle l'a voulu elle le garde hehe).
    Ma sf examinera un peu plus tard le bébé dans la salle avec son stétho qui lui donne l'air encore plus intelligent. Aaaaah....ma sage-femme.....

    Mais, comme dans toute relation, il y a une fin. Pour moi elle a coincidé avec celle du stage. Un au revoir poli. Pour elle je ne suis qu'une simple étudiante avec un gros boulet autour du cou qui ne peut que s'améliorer. Pour moi c'est Dieu, je ne fais pas le poids, je pars comme si de rien était.
    Plus tard, plus aguérie, je suis retournée plusieurs fois dans cet hôpital. La première je n'étais pas au bloc, pas avec elle, mais on se croisait, elle me faisait la bise et je ne vais pas vous faire le coup du waw m'a-t-elle reconnue? Me trouve-t-elle super trop forte? Là bas bcp de gens s'embrassent lorsqu'ils se voient et ça vaut même pour les étudiants (le paradis existe?), je ne vous fais pas le coup... mais j'aime à m'y laisser tenter.
    La deuxième fois j'ai eu un peu l'occasion de retravailler avec elle mais j'ai tout fait pour l'éviter. J'avais peur. Peur de perdre la pure et candide estime que j'ai pour elle...que dis-je l'admiration sans borne, mon culte professionnel. Je me disais que plus forte, j'aurais pu voir ses petits défauts. J'avais également peur de ne pas être à la hauteur. Je ne voulais pas que la sage-femme de mes rêves me voit comme une étudiante de seconde zone et comme je ne me sentais pas d'être la déesse des esf face à elle, j'ai préféré passer mon tour. Lâche que je suis.

    Ainsi, vous aussi avez peut-être une sage-femme coincée dans un bout de votre corps. Peut-être que vous arrivez à la voir comme un être humain normal avec ses qualités, ses défauts... En ce qui me concerne ma sage-femme est parfaite, comme je voudrais être, comme je crois qu'elle est. Et surtout, je n'ai pas envie que cela change.


    Des années après, je repense parfois à ce stage, parfois à elle. Il m'arrive d'être nulle, pas patiente, fatiguée, fatiguante. Je m'arrête, je réfléchis, et me dis que ce n'est pas comme ça que j'ai envie d'être. Alors je rectifie. Au quotidien ce n'est pas forcément si facile de faire ce qu'on pense être le mieux et, récemment, j'ai vu le rapport d'une réunion du Comité Médical d'Etablissement de mon hôpital. Un des premiers objectifs du pôle est de le remettre à l'équilibre financier. Rendre l'obstétrique rentable. Douce illusion pour qui rêve d'être autre chose qu'une machine à perfuser, prélever, ou accouchier.

     


    3 commentaires
  • Couvrez-moiElle est vieille, très vieille... enfin en vrai peut-être pas tant que ça, elle n'atteint pas les 100 ans. Mais pourtant, au jugé, si, elle est vieille. Moi je devais avoir 19 ans, une part infime de sa vie, quoi. Madame Knepfle (nom modifié) est donc hospitalisée là depuis quelques temps, et ça se compte sûrement en années. C'est un service de gériatrie pour ceux qui sont vieux, malades et se déplacent peu ou pas. On en sort pas, ou alors sous un drap.

    Cette dame est une pensionnaire comme une autre. Elle ne parle pas, ou très peu. Elle ne marche pas, mais, quand on l'installe sur son fauteuil roulant, elle roule... beaucoup... n'importe où, toujours tout droit. Alors des fois, on met les freins. Madame Knepfle doit faire partie des plus autonomes. Quand je m'approche d'elle, elle s'agite un peu, essaie de rouler mais la chaise est bloquée. Et puis elle me parle: "couvrez-moi !". Le ton est autoritaire, presque méchant. Madame Knepfle est pourtant habillée...normalement et il ne fait pas froid dans le service. "COUVREZ MOI !" Elle veut peut-être que je libère ses roues. Je tente. Elle commence à partir tout droit vers la salle des repas. Elle ne négocie pas le virage et s'arrête contre un mur, pourtant, elle continue à vouloir faire tourner les roues. Mon Dieu, j'ai failli tuer Madame Knepfle. Une aide soignante arrive, me dit de ne pas trop faire attention, et de ne pas la laisser rouler trop longtemps (ou du moins près des murs). Bon.

    Un matin je dois m'occuper de la toilette au lit de Madame Knepfle avec un aide soignant. Elle n'est pas bien grande, pas bien lourde. Du genre la peau, les os, et un peu de graisse sous cutannée. Et puis des cheveux, gris, mi longs, et fin, très très fins, à avoir peur de les arracher en les touchant. Bref, elle est allongée, on lui annonce le soin, et on commence à découvir son torse et là: "COUVREZ-MOI !" Le ton est autoritaire, presque méchant. On explique, on découvre le moins possible. Mais elle répète plus fort: "COUVREZ MOI !!!!" Là maintenant, elle hurle. En fait, ses toilettes se passent toujours ainsi. On continue. On lave le haut, on sèche, on passe au bas. Le "couvrez-moi" se fait moins virulent, plus plaintif, elle supplie, pleure presque. Pour tout dire j'aimerais bien être ailleurs, ne pas faire ça, on dirait que je la torture avec un gant et du savon... C'est un peu ça.

    Elle pleure, pas totalement contre nous. La toilette lui est honteuse et je pense qu'elle enrage de n'être plus vraiment elle même. "COUVREZ-MOI". Elle ne sait dire plus que ça, mais ça veut tellement dire autre chose, ça en est presque assourdissant. Qui ne la comprendrait pas ? Qui s'imaginerait une seconde être à sa place ? Personne ne voudrait. Presque tous les pensionnaires doivent penser la même chose. Elle est parmi les seuls à pouvoir l'exprimer, un peu.

    A la fin du soin, elle se calme. On la remet dans son fauteuil. L'aide soignant s'en va et je m'occupe de la coiffer. Elle ne dit rien. Puis je libère ses freins, c'est bientôt l'heure de manger.



    6 commentaires
  • Je pense que ceux qui l’ont vécu n’iront pas me contredire, les études médicales et plus largement de santé, ce n’est pas tout ce qu’il y a de plus Kawaï. Pourtant, de l’extérieur, les métiers sont beaux, nobles, le médecin sur son beau destrier vient soigner les gens d’une mort certaine avec le sourire, cent balles et un Mars. L’infirmière a les yeux brillants de sollicitude lorsqu’elle écoute son dépendant se plaindre qu’avant il était encore un peu humain. Et la sage-femme… non personne ne sait qui c’est, peut-être une fille vaguement rose et sûrement très gentille.

    En vrai, ça commence par un concours où peu survivent. Et je ne vais pas me lancer sur un débat sur le concours PAES. Moi j’ai *plutôt* aimé mes P1, je trouvais les gens gentils. Je ne vais pas parler des concours paramédicaux, je ne les connais que très peu. Bref, après cette âpre phase de sélection on pourrait penser que ça y est, on va pouvoir apprendre notre futur métier dans la joie, l’allégresse et le respect du patient. Mais il n’en est rien.

    Alors bon, je suis sage-femme, forcément je vais me concentrer plus sur ces études que je connais relativement bien, mais je pense que ça pourrait être largement superposable aux autres petits amis des hôpitaux.

    C’est un fait, à l’hôpital on croise plein de personnes hostiles qui ont dans leurs prérogatives, nous former. Ambiance. Pourquoi tant de haine ? Raisonnement basique, la santé c’est violent alors on ne prend pas de gant, encore moins avec ses (futurs) collègues. Ainsi, lorsqu’à 20 ans on se retrouve coincée avec un vieux monsieur agonisant dans ses glaires, une femme désespérée et son fœtus macéré ou encore un adolescent comme nous avec son Hépatite C et son VIH , ben mon vieux, il faut bien se forger parce que c’est en forgeant hein. L’Hôpital, cette grande Forge.

    Bref, forcément, devant les cas glauquissimes, l’étudiant et ses questions existentielles sur « ah bon ? Je dois téléphoner à un hôpital qui n’existe plus pour récupérer le Compte Rendu en chinois de la césarienne de madame X datant de 1983, mais je sais pas mooooooooooooi. » On s’en fout, il se débrouille, ça lui fera les pieds, je me débrouille MOI grand professionnel, quand je sauve des vies et que je (me) cache des morts. L’étudiant comme cadet des soucis, l’étudiant sur qui on peut se défouler, se décharger et sauter dessus à pieds joints.

    Il arrive donc en stage les étoiles dans les yeux mais point de comité d’accueil. Chacun a déjà ses propres problèmes alors hein…

    Et puis, si on y réfléchit, est-ce que ça se passerait mieux si on prenait l’étudiant par la main pour lui expliquer la vie ? La mort ? Le handicap ? On a déjà plein de jolis cours sur ça. Je ne sais pas pour les autres, mais pour moi ça manquait de réalisme et de clefs pratiques. Sûrement parce qu’il n’en existe pas et que chacun fait à sa sauce… enfin c’est ce que j’ai retenu de mes études. On fait au mieux avec nos moyens. Faut juste ne pas être con et buté, ce qui en soit n’est déjà pas gagné.

    Alors moi avec les étudiants, comme malgré tout je suis très gentille, je réponds à leur question de manière, je l’espère, complète. Mais effectivement, selon leur précédents acquis, je ne les accompagne pas partout car au final, seul au lit du patient, on apprend énormément de choses et on se rend vraiment compte de nos faiblesses… ou de nos réussites. Il y a manière de faire. On peut très bien envoyer l’étudiant faire X tâches en lui faisant comprendre qu’il a intérêt d’assurer et partir boire le café, voir râler parce qu’il n’a pas fait exactement comme on l’aurait fait. Ou l’envoyer et lui dire qu’on reste disponible au cas où. Ou l’accompagner et faire comme si on n’était pas là… mais là c’est moi qui ai du mal.

    Quoiqu’il en soit, l’étudiant se blinde. Il commence alors sa phase de cache-cache avec le professionnel, essaie de gruger, des minutes, des jours, des « missions » parce les grands c’est tous des connards. Puis le cercle vicieux, ils deviennent des adultes revanchards, se disent qu’à eux on ne leur a pas fait de cadeaux alors à quoi bon ? De la violence des études médicales, c’est certes d’abord le métier qui est violent mais une partie de son stress est certainement auto-entretenu par la peur, les rancœurs, le pouvoir et toutes les choses humainement détestables. Je ne changerai pas les gens. De toute façon je n’aime pas les gens (spéciale dédicace aux neuneus qui se reconnaîtront ou pas), je reste dans mon coin et je fais ce que je crois juste peut-être à tort. Est-ce une bonne solution ? A vrai dire j’y pense de moins en moins. Je suis une simple goutte d’eau. Il en faut bien pour faire l’océan.


    6 commentaires
  • Il n'est un mystère pour personne que j'adore l'hôpital: ces longs couloirs saturés de lumière artificielle, ces sols en plastique qui font pouic pouic, et surtout, son brouhaha incessant.

    C'est drôle, à voir la fiche de poste de la sage-femme hospitalière lambda, on pourrait croire que son rôle est de prendre en charge le suivi médical des patientes hospitalisées...mais il n'en est rien. En réalité, la sage-femme doit s'assurer que personne ne meurt tout en satisfaisant la multitude d'intervenants rencontrés au cours de son admirable mission.
    Nous avons ainsi la personne qui cherche la chambre 203, l'agent de bionettoyage qui voudrait passer dans le couloir étroit, le monsieur qui cherche une femme dont le prénom est Marie ou Maria ou Mozambique et qui aurait accouché aujourd'hui... ou pas, l'interne de bactério au téléphone qui aimerait savoir si Matis avec son Strepto B qui pousse dans l'oreille est hospitalisé dans ce service, la secrétaire de chépakoi qui aimerait connaître le numéro de chépaki, l'Etat Civil qui appelle parce que Monsieur Comprenpo, ne sait pas quel nom donner à son enfant alors qu'on lui a déjà expliqué les modalités de la déclaration de naissance... liste bien sûr non exhaustive.

    Alors, au fur et à mesure de temps, je teste des moyens de défense anti-perturbation qui, je dois l'admettre, ont toujours du mal à être efficaces. Le basique, lorsqu'on est dans une chambre, mettre la présence (la petite lumière qui s'allume à l'extérieur). On espère naïvement que ça va calmer les ardeurs de certains, mais que nenni, la présence est aussi l'arme du diable. On SAIT où te TROUVER. Ainsi, ça ne gêne absolument les gens qui entrent un 1/10 de seconde après avoir frappé pour ramasser le plateau repas alors que tu es entrain de faire un Toucher Vaginal ; mais ça permet à l'agent d'accueil de savoir où te déranger pour te soumettre un nouveau problème téléphonique.

    Le téléphone, parlons-en, véritable instrument de Satan sonnant toutes les trois minutes. Je suis parfois sans pitié avec lui, des fois, je ne réponds pas, voire je le coupe. J'ai alors le coup de fil quelques minutes plus tard avec mon correspondant presque choqué qui me dit "j'ai essayé de vous joindre..." auquel je réponds "Oui, j'étais entrain de perfuser un nouveau-né/dans une chambre/entrain de faire un TV (tjrs bonne excuse) et ça calme. Il peut y avoir une urgence me direz-vous ? Certes, mais le numéro de mon correspondant s'affiche et le secrétariat du Dr Chose, non ce n'est pas urgent, et puis il y a d'autres téléphones dans le service et puis on a déjà téléphoné au service voisin pour venir me chercher car mon téléphone sonnait dans le vide (et pour cause, je peux pas répondre pendant que je pose une voie veineuse) et bien sûr, ce n'était pas urgent.

    Et puis, il y a le monde, tout le temps, toujours, aux horaires du bureau. Ca en est à un point où je n'ai même plus de chaise et même plus un cm² de coin de bureau pour pouvoir étudier un dossier. Je n'en suis pas très fière mais lorsque j'ai un étudiant avec moi je lui dit parfois de ne pas quitter l'ordinateur, de le GARDER, au péril de sa vie... pendant que je vais faire je ne sais quel truc alacon, pour qu'on puisse ensemble récupérer les bilans, mettre à jour la relève, informatiser les dossiers... bref, faire les choses PC-dépendantes, parce que sinon on va venir me le piquer pour imprimer le prix des locations des chalets pour Noël.

    Lorsqu'une patiente entre dans le service il faut que je morde pour avoir la place d'étudier les dossiers...et parfois, de guerre lasse, je le regarde vite fait, je vais voir la patiente et j'attends 17h dans un placard, en me balançant d'avant en arrière, que le gros des gens s'en aille. Je pourrais ainsi travailler calmement.

    Parfois je rêve qu'on m'oublie. Non je ne suis pas la sage-femme (comprendre Madame à Tout Faire) du service. Je suis transparente. Oh non non, je m'en fous que Madame Tetcruse a oublié son chargeur de portable en quittant sa chambre et qu'il faut maintenant que je trouve son téléphone que j'appelle pour tomber sur son répondeur et lui dire que PUTAIN UN CHARGEUR CA SE LAISSE PAS SUR LA PRISE. 5 ans d'études, et ce sont ce genres de choses qui dans une journée me prennent le plus de temps. La contraception de Madame Chépakoifaire, on verra plus tard, là il y a un truc urgentissime à régler, la famille de Madame ????? cherche son numéro de chambre (il y a pourtant un accueil à l'entrée hein, mais en montant au premier étage ils ont oublié le numéro).


    6 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique