• Etrange question me direz-vous... surtout un samedi soir... je devrais sûrement avoir d'autres choses à faire que d'écrire un post à fort potentiel déprimant.  Mais ça me trotte dans la tête depuis un moment, et je profite d'un moment de calme en célibataire associé à une flemmingite aiguë de faire quelque chose de constructif pour (pas très bien) écrire.

    Cette question, elle se pose à moi depuis que j'interviens en SMUR (et que j'ai le droit de faire le petit papier bleu, aussi appelé certificat de décès). J'ai eu plusieurs fois à intervenir pour des arrêts cardiaques chez des personnes (très) âgées, avec un certain nombre (pour ne pas dire un nombre certain) de pathologies parfois (souvent?) lourdes, très peu souvent autonomes. 

    Pour moi, quand je vois ces personnes, je vois mon grand-père avec sa maladie de Charcot ou ma grand-mère avec son cancer du sein. Ou encore certains des résidents de la maison de retraite où j'ai travaillé. Pour toutes ces personnes, quand leur coeur s'est arrêté, la famille a pleuré. Le médecin a été prévenu pour constater le décès. Les pompes funèbres ont été prévenues. L'enterrement a eu lieu. Le deuil a fait son travail. Au milieu de toutes ses étapes, à des moments différents mais souvent assez tôt, les proches ont été soulagés. Soulagés pour la personne décédée, qu'elle ne souffre plus. Soulagée pour elle-même, qui avait investi du temps et de l'énergie auprès du "pas-encore-défunt" pour que les jours-mois-années qui lui restaient à vivre soient le moins pénibles possibles.

    Aujourd'hui, lorsque j'interviens en SMUR dans ces situations, une réanimation a été débutée. Il y a quelqu'un en train de masser, que ce soit la famille, un voisin, la pharmacienne, les pompiers, voire même le médecin traitant. Alors que je n'y vois que de l'acharnement, la famille espère que la réanimation portera ses fruits, que le futur défunt (parce qu'il n'y a quand même que très peu de chances pour que cela fonctionne) ne meure pas et vive encore plusieurs jours-mois-années dans son lit sans interragir (ou à l'hôpital après un séjour plus ou moins long). J'ai du mal à comprendre que certaines familles n'acceptent pas de laisser partir leurs proches tranquillement. Je ne sais pas vraiment gérer ces situations. J'essaie d'aller voir la famille rapidement, de leur expliquer que même si le coeur repartait, leur proche ne s'en remettrait pas (ou serait encore plus dépendant qu'avant). Parfois, je fais même arrêter la réanimation avant d'aller voir la famille. Sinon, je la poursuis, plus ou moins intensément, le temps de la discussion. Le temps de l'acceptation. Avant le déclenchement de la séquence pompes funèbres - enterrement - deuil.

    J'ai du mal à m'expliquer qu'on puisse essayer de réanimer ces personnes là, et à ne pas les laisser partir tranquillement. Peut-être est-ce la conséquence du déni de la gravité de la situation médicale du patient, peut-être que le fait de voir la réanimation permet à la famille d'accepter le décès, peut-être est-ce pour une autre raison. Je ne le sais pas, et je ne le saurai jamais. J'espère juste trouver comment gérer ces moments du mieux possible.

     


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  • Depuis 15 jours, mes études de médecine sont terminées. Enfin, les études de médecine générale. Il me reste une année à valider pour être officiellement médecin urgentiste. Et depuis 15 jours, je suis dans un nouveau service, où je n'avais jamais mis les pieds jusque là. Parce que je n'en avais pas eu l'occasion en D2 (les aléas du tirage au sort pour le choix des stages), parce que je n'en avais pas eu envie en D4.


    Je me retrouve donc dans ce service si particulier qu'est le SAMU, pour la première fois en tant que docteur. Et je suis vite mise face à mes insuffisances : je ne sais pas comment cela fonctionne, je ne suis pas encore passée en réanimation (du coup, les amines et la ventilation artificielle restent de la théorie), je ne sais pas comment organiser les personnes lors d'une intervention. J'ai déjà assez de difficultés à mobiliser mes connaissances pour s'occuper du patient que je n'arrive pas à gérer l'équipe, en particulier l'équipe élargie (pompiers, ambulanciers). J'ai parfois du mal à trouver ma place lors d'une intervention, le médecin qui me double n'étant pas toujours prêt à laisser leur place en première ligne. J'ai du mal à mobiliser mas connaissances dans la panique. Je n'ai pas encore les bons réflexes. Il y a même certains médecins qui m'ont dit que m'avoir comme médecin de première ligne serait une perte de chance pour les patients (mais qu'il ne fallait pas que je perde confiance (merci, c'est trop gentil)).

    Je devrais stresser, déprimer,  me dire que je ne serais jamais prête à évoluer en solo dans une semaine. Mais...


    J'ai hâte. Hâte d'être seule, pour pouvoir apprendre et m'améliorer. Hâte de montrer ce que je sais faire. Hâte d'être enfin un vrai docteur.


    Ceci n'est pas un péché d'orgueil. Mais je me sens bridée en étant en doublure. Dans les cas un peu "chauds", les médecins qui me doublent ont tendance à oublier que je suis là et m'effacent. Les pompiers et ambulanciers s'adressent spontanément à l'autre médecin, qu'ils connaissent. S'ils s'adressent à moi, c'est sur le ton de l'ironie, avec un petit sourire en coin ("alors docteur? on fait quoi docteur? c'est vous le docteur"). Il n'y a (presque) que les externes qui me considèrent et me posent des questions. Bien sûr, tout n'est pas si noir, certains médecins m'ont laissé passer en première ligne, certains m'ont laissé prendre des décisions. Et je les en remercie.

    Dans une semaine, je serai en première ligne. Pas tout à fait seule, car mon infirmier sera un(e) IADE, qui pourra m'aider en cas de difficultés (en particulier lors de l'intubation ou de la manipulation de certains médicaments qu'ils connaissent beaucoup mieux que moi). Et j'ai hâte.

     


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  • Depuis 10 jours, je suis en pédiatrie. Aux urgences pédiatriques pour être plus précise. C'est mon dernier stage en tant qu'interne, mais revenir au CHU dans un domaine où je n'ai aucune confiance en moi me fait me sentir comme une externe. C'est assez destabilisant. J'ai plein de "jeunes" co-internes (des 4èmes semestres, dont certains ont été mes externes) enthousiastes et sympas, ça fait toujours plaisir.

    J'appréhende énormément ce stage. D'abord, parce que je ne me suis jamais vraiment occupée d'enfants malades, si ce n'est de quelques bobos croisés aux urgences des hôpitaux périphériques. Ensuite, parce que j'ai peur de rater quelque chose et de mettre en jeu la vie d'un enfant (le fait d'avoir été témoin de ça une fois en garde m'a laissé un souvenir amer, d'autant plus que quelques jours après un enfant décédait aux urgences de cet hôpital, après un diagnostic erroné. Le médecin et l'équipe présentes ce jour là ne s'en sont jamais vraiment remis, il pesait une ambiance lourde dans le service jusqu'à la fin de mon stage, ça marque). Enfin, parce qu'au semestre dernier, ce stage s'est mal passé : chefs absents, règlements de compte en public et autres joyeusetés. Et surtout, il y a les parents à gérer. Eux qui ont peur pour leurs enfants sont juste hors de la réalité et difficiles à raisonner parfois. Et puis je suis pas crédible, les gens ont l'impression que j'ai 18 ans, je ne peux pas être le docteur.

    Je reste malgré tout optimiste. Ce stage est réputé comme le plus formateur en pédiatrie de la région, et c'est sûrement le cas, au vu du nombre et de la variété de pathologies rencontrées. Ensuite, étant déjà passée dans le service pour quelques gardes quand j'étais externe, je connais l'équipe et je n'ai pas de problèmes majeurs avec eux. J'espère surtout que ce stage me permettra de savoir gérer l'urgence chez un enfant, par le biais de la gestion conjointe des déchocs avec les chefs et peut-être quelques interventions avec le smur pédiatrique.

      Pendant ces 10 jours, je n'ai été que du côté "médical" (car tout est sectorisé au CHU : les urgences médicales sont prises en charge par les pédiatres généraux, les urgences chirurgicales par les chirurgiens pédiatres, et il y a une équipe d'internes de chaque côté). Heureusement pour nous, l'activité a été calme, ce qui permet d'avoir le temps de discuter de chaque dossier sensible.

    J'ai déjà eu l'impression de sauver une vie (deshydratation sévère chez une enfant de 4 mois) , j'ai vu une enfant anorexique et un jeune en IME abusé sexuellement par un autre, j'ai laissé sortir une pneumopathie qui est devenue une pyélonéphrite le lendemain, la moitié des enfants que j'ai vus en consultation ont dû être hospitalisés (c'est mon pourcentage habituel). Je commence à maîtriser la prescription des plans de réhydratation, les enfants ne pleurent pas trop en me voyant, j'ai appris qu'un stylo suffisait amplement à les occuper pour pouvoir les examiner. J'ai surtout vite compris qu'on savait très rapidement si un enfant va bien ou pas. Et ça c'est très rassurant.

     


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  • Attention : ceci est un post niais pouvant nuire à la santé des garçons sensibles (et des autres).


    J’aime écrire sur Internet. Que ce soit sur un blog, sur un forum, sur un réseau social. J’écris ce qu’il me passe par la tête, du simple smiley à la dissertation. J’écris ce qui me pèse. J’écris pour séduire. J’écris pour répondre à quelqu’un.

    L’anonymat (relatif) d’Internet me permet de me sentir plus libre pour exprimer ce que je ressens. Je n’arrive pas toujours à le faire dans la forme qui me convient, mais le fond y est.

    J’aime l’idée de pouvoir parler de tout (et n’importe quoi) à des inconnus, dont je ne sais que peu de choses et qui ne savent que peu de choses de moi. Je me sens protégée derrière mon écran.

     

    Mais parfois, l’écran se brise. Je suis invitée à rencontrer IRL ces inconnus, qui ne le sont plus tant que ça à force d’échanges virtuels.

    Là c’est l’angoisse. Passer plusieurs jours avec ces « inconnus », est-ce bien raisonnable ? Ca semble un peu fou. Avons-nous vraiment des points communs ? Ou bien est-ce seulement nos doubles virtuels qui ont des affinités ? Jouons-nous la comédie derrière nos écrans ?

    Et puis que vais-je faire après ? Est-ce que je serai capable de continuer à me livrer sur mon clavier maintenant que je connais ces inconnus, qu’ils sont une entité physique et non plus un avatar ?

     

    Vient le moment de la rencontre. L’ambiance est chaleureuse dès l’arrivée, on se sent un peu comme dans une famille. C’est étrange, même mon côté autiste semble à l’aise ici. Des groupes se créent, des conversations commencent, les groupes se mélangent, de nouveaux sont créés. Il règne un joyeux bordel.

    Chacun trouve sa place, quelle que soit sa stature, sa notoriété, sa profession. Tout le monde semble sur la même longueur d’ondes. Mais nous ne sommes pas pour autant au pays des Bisounours : il y a des débats, des prises de position, des sujets qui fâchent. Mais toujours dans le respect de l’autre.

    La rencontre se passe ainsi. Les longues soirées à discuter (et les réveils presque matinaux) créent la fatigue. Les nerfs sont à fleur de peau. Et les adieux (au revoir ?) sont lacrymogènes. Certains se cachent, d’autres non. Certains font mine d’être insensibles.

     

    C’est le retour à la vie d’avant, la vie de tous les jours. J’ai repris ma place derrière mon écran d’ordinateur. Je traîne toujours sur ces lieux d’échanges virtuels. Tout semble identique.

    A une chose près : je sais que derrière ces avatars se cachent des gens formidables.


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  • Parce que c'est compliqué, je n'aime pas passer Noël chez moi. Donc j'essaie de prendre des garde, soit la nuit du 24 décembre, soit le 25. En plus, c'est plutôt bien payé (enfin le 25) et ça soulage mes petits camarades qui n'ont pas envie de travailler ce jour là.

     

    Ces gardes sont un peu particulières, on mange du foie gras à 3h du matin, on s'autorise une demi-coupe de champagne. Et surtout, on sait que l'on va travailler, une fois que les repas de famille seront terminés.

     

    La nuit du 24, il y a pas mal de traumatologie, avec en particulier les fameuses plaies liées à l'ouverture des huîtres. Mais aussi les accidents de soirée trop alcoolisée, les accidents de la route liés aux soirées trop alcoolisées, les bagarres en sortie de boîte. Parce que maintenant les jeunes font le réveillon de Noël en boîte, c'est la nouvelle mode.

    La journée du 25, c'est plus calme, surtout le matin. Tout le monde dort. Par contre, à partir de midi, ça déferle : les douleurs apparaissent, le petit dernier vomit (il a mangé 3 boîtes de chocolats hier soir mais ça doit pas être ça), je me refais mal en ouvrant des huîtres... Et c'est aussi le festival du syndrome viral (ben vi quoi, y a pas de médecin et j'ai le nez qui coule, je viens aux urgences ).

    Ce que j'aime encore moins, c'est annoncer des mauvaises nouvelles aux patients. Rien que le 25 décembre dernier : 2 fausses couches et 2 AVC massifs (faut croire que ça marche par paire). Et ça, ça plombe un peu l'ambiance... Joyeux Noël les gens...

     

    Malgré tout, c'est mieux qu'un réveillon en famille. Alors je continuerai à prendre des gardes. Sauf si ma niaise veut m'initier à la magie de Noël (en tête-à-tête)n


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