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Elle a trente, trente cinq ou quarante deux ans. Elle a appris qu'elle était enceinte. Puis, quelques semaines après qu'elle avait un cancer. Un cancer gynécologique pendant une grossesse est rarement gentil. Il nous laisse peu de temps et se goinfre d'hormones. Alors, on fait au mieux. J'ai connu quelques patientes dans ce cas... elles avaient l'air de prendre les choses tellement... bien.
Mais je me demande, comment peut-on associer le bonheur d'un nouvel enfant à tout ce qui ce qui nous reste à parcourir pour peut-être, mourir ?
Lorsque j'ai voulu travailler dans la santé, je me disais que ce serait intéressant intellectuellement et humainement. Et effectivement. Je n'avais pas pour vocation de sauver le monde, je ne l'ai toujours pas. A vrai dire je voulais m'enrichir. C'est ce qui se produit lorsque mon chemin rencontre ces patientes, et d'autres et encore d'autres. Sur le moment on joue notre rôle de professionnel de santé. Réfection de pansement de mamectomie, surveillance du travail, accouchement, conseils... Puis j'y repense, demande des nouvelles.
Ca me fait chier d'apprendre que le deuxième sein est touché alors qu'elle était si confiante, qu'on était si confiant. De voir que pour une autre patiente on n'envisage même pas une chirurgie. Qu'une patiente que j'ai faite sortir, qui allait bien et qui trois semaines après s'est vue diagnnostiqué un abcès du sein en ville, en l'ouvrant on a compris que c'était en fait une tumeur dégueulasse.
C'est frustrant de savoir que je ne saurai jamais la fin. J'hésite à penser que ça finira bien. Ou peut-être que je les retrouverai pour une autre grossesse, dans d'autres circonstances, comme dans un film américain.
Ces femmes, ces familles vivent quelque chose d'extraordinaire, mais l'extraordinaire devient finalement tellement commun à l'hôpital. On l'oublierait presque dans nos blouses. Moi ça me revient le soir devant ma bière, mon vin ou mon Coca du guerrier. Et je me demande alors comment je réagirais ? A l'hôpital, dans une blouse à fleur ouverte sur mon caleçon à coeur...
Tags : autre, patiente, demande, bien, extraordinaire
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Commentaires
J'imagine qu'il faut se forger une bonne carapace pour encaisser en tant que soignant tous ces drames. Rien à voir avec ce que vivent ces patientes confrontées à de terribles choix, la mort au bout souvent. Mais y être confronté souvent doit être difficile aussi? D'ailleurs est-ce-qu'on peut parler avec des gens pour vider son sac quand c'est trop?
4OxymoreLundi 17 Septembre 2012 à 23:11Pardon de me focaliser sur un détail mais please-please-please: pas d'incision sur un abcès! Il y a peu de centres en france qui le pratiquent mais ça devrait être le cas partout: ponction sous échographie et anesthésie locale. Ça fait pas mal, ça ne laisse pas de trace et on peut souvent ne pas interrompre l'allaitement. Parole d'une qui en revient.
Ça n'empêche que comme toujours j'adore tes textes, ton humanité. Merci. ♥Oxymore>> Ah ben ça faut le dire aux chirurgiens gynéco :-) même si dans ce cas je pense qu' ils voulaient "voir"
6OxymoreMardi 18 Septembre 2012 à 15:00Je suis bien d'accord qu'il FAUT le dire aux chirurgiens-gynécos!! ^^
Et "voir" on peut pas le faire par écho?
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Très beau texte. Ils nous apprennent tant nos patients. Face à mes petits maux de la vie, quand j'en voie certains si fort face à des drames de la vie, ça me laisse... sans voix. Ma blouse blanche m'en tombe.