• Brèves de patientes - Le temps des gitans


    Madame Springlaggle vient pour accoucher et c’est à peu près la cinquième fois en six jours. Elle est gitane et traine avec elle une bonne poignée de copines/parentes à chaque fois. Arrivée chez nous en pleine nuit après une bonne heure de route cette fois on l’hospitalise pour surveillance… histoire de.

    Je fais sa connaissance le matin, les contractions se sont un peu calmées, je la laisse finir sa nuit. Dans le couloir je croise une femme chargée de valises qui demande où se trouve sa chambre.

    En fin de matinée je vais pour faire un monitoring et ça contracte, un peu. Elle en a bien marre madame Springlaggle. Je l’examine et je pense qu’elle a un col un peu mieux qu’aux urgences, huit heures avant. Je lui demande donc ce qu’elle veut faire et bien sûr elle veut rester. Soit, cette fois on l’hospitalise pour de bon. Elle a pour consigne de me rappeler lorsque les contractions se feront différentes.

    Une heure après je croise une femme, une poussette, une petit vieille qui demandent la chambre de Madame Springlaggle. Et, encore une heure après cette dernière m’appelle.

    Soit, je pousse la porte et me retrouve face à plein de femme, un bébé, une vieille entrain de coacher la patiente. Heureusement aussi nombreuses soient-elles, elle restent calmes et polies. Elles me posent chacune à leur tour des questions, je réponds. Je les fais sortir, j’examine, un peu mieux je pense.

    Ce fut comme ça plusieurs heures. Et, à chaque fois que j’entrais dans la chambre il y avait des femmes différentes, à chaque fois elles me posaient les mêmes questions, à chaque fois les mêmes explications et à chaque fois elles restaient calmes et me remerciaient. A la fin j’étais un peu agacée, faut dire, de me répéter, mais elles avaient l’air d’accorder tellement d’importance à mes explications que ça faisait passer le tout.

    Madame Springlaggle n’a pas eu un début de travail facile. Contracter plusieurs jours et avoir un col qui se modifie peu est usant. A la fin les contractions étaient bien douloureuses et tout son entourage l’encourageait. Ca agace parfois les soignants d’avoir une ribambelle d’accompagnants dans les chambres. Ceux-là étaient plutôt salutaires. Je crois que jamais la patiente n’aurait pu attendre si longtemps avant la salle de travail s’il n’y avait pas eu ses amies qui lui parlaient, la faisait sortir un peu etc…

    Alors, les gitans à l’hôpital ça fait froid dans le dos. Pour une patiente on a souvent à gérer une vingtaine de personnes inquiètes, ne voulant pas partir. Si l’on passe la difficulté organisationnelle et qu’on part dans le sentimentalisme c’est plutôt sympathique. Qui aujourd’hui peut se vanter d’avoir toute une tribu derrière soi en cas de problème ? Alors bien sûr, c’est loin d’être idyllique et les campements, les clans et les familles ce n’est pas le monde des Bisounours, mais rêvons un peu.

    Au final et en tant que soignant, il parait nécessaire de ne pas se faire envahir et toujours parler à un interlocuteur. Bien des familles comprennent que non, à douze dans les couloirs de l’hôpital en parlant fort, ce n’est pas possible suffit d’y mettre les mots sans qu’ils le prennent comme une agression. Le respect réciproque intervient alors comme LA solution. C’est en fait la solution dans beaucoup de choses et pour l’instant je n’ai jamais eu à me plaindre de ça avec les familles gitanes.

    Encore une fois j’arrive au : si toi être gentil avec moi, moi être gentil avec toi. C’est bête hein ? C’est la base des relations humaines et pourtant ça devient une denrée menacée à la maternité. Menacée par des femmes craignant qu’on leur vol leur grossesse/accouchement et qui d’emblée arrivent le projet de naissance (fraichement copié du Net) entre les dents, menacée par le manque de confiance, menacée également par les a priori des soignants. Ces derniers n’ont pourtant pas à avoir un jugement avant même d’avoir vu leurs patients.

    Mais voilà, un gitan à l’hôpital ça amène à plein de préjugés. De même qu’une prof enceinte (boudou qu’elle va être chiante). De même que plein de choses. Et j’aime pas. Les gens qu’on prend en charge ne sont pas des situations types.

    Et, pour revenir à Madame Springlaggle, je lui ai souhaité bonne continuation avec sincérité. L’histoire ne me dira malheureusement pas si ce col a enfin voulu bien jouer le jeu.



  • Commentaires

    1
    Lundi 17 Janvier 2011 à 17:54

    c'est vrai que les gitans, ils sont nombreux, mais en général ils sont gentils et polis... enfin, ça dépend des familles, il y a aussi les agressifs qui le jour du départ s'en vont avec le matelas/la baignoire/le thermomètre/l'oreiller...

    2
    Az
    Mardi 15 Mars 2011 à 13:20

    Ah mais ce n'est aps un a priori: je suis prof, j'ai 3 enfants, et qu'est-ce que j'ai été chiante, lol!

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :