C'était il y a longtemps maintenant, un des pires souvenirs de mes études, de ma longue carrière. Je suivais deux patientes au bloc obstétrical avec la sage-femme. Une primipare qui n'allait pas tarder à; "pousser", une deuxième pare qui allait être à dilatation complète en même temps.

On va voir la deuxième pare, elle va bien, le rythme cardiaque du foetus va bien. On entre alors dans l'autre salle, celle de la primipare. Elle sent l'envie de pousser, un peu. Elle est à dilatation complète, un foetus engagé allez, on s'installe. Elle pousse, tranquillement, surement. Mais bon...le bébé avance plutôt doucement. Son rythme cardiaque est bon. On se dit qu'on peut se permettre d'attendre qu'il descende un peu tout seul. Je remets la table d'accouchement histoire que son enfant ne tombe pas au sol si ça devait s'accélérer, je lui dis d'accompagner la sensation de pousser lorsqu'elle arrive, lors des contractions, et de ne pas hésiter à nous appeler, surtout si elle sent que "ça pousse tout le temps".

Chez la deuxième pare, tout s'accélère. Elle est maintenant à dilatation complète avec une présentation basse. On s'installe et elle accouche rapidement. Je pose l'enfant sur elle, le père coupe le cordon, le couple est content. On met le bébé bien au chaud contre la mère et on part revoir la primipare. A notre arrivée, elle est plutôt heureuse de nous voir. A l'examen la tête est "juste" là. On se ré-installe. Les efforts expulsifs sont efficaces. La tê;te foetale est simplement retenue par le périnée, un peu tonique. A chaque poussée elle sort presque, puis re-rentre un peu entre chaque contraction. Nous ne sommes pas pressées, le rythme cardique est bon, les tissus n'ont pas l'air de se déchirer.

Puis, arrive un type. Grand, maigre, avec une blouse. Il ne se présente pas. Regarde le tracé du monitoring et voit que ça fait bien 40 minutes que la patiente pousse. En effet, lorsqu'on l'avait laissée seule, elle poussait un peu lors des contractions, et ça se voit sur la tocomé;trie. Je dis au monsieur, que je devine être le gynécologue, que les efforts expulsifs dirigés ont commencés il y a une vingtaine de minutes. Une contraction arrive, il voit bien que la tête sort quasiment et que la naissance est imminente. On attend simplement pour préserver les tissus. Il met alors des gants et prend ma place. Une autre contraction se profile. La femme pousse, il prend un ciseau, donne un grand coup, la tête sort, l'enfant né et il sort un truc genre "Eh voilà".

Me prend alors une forte envie de l'engueuler... Je me ravise. La patiente ne comprendrait pas. Ce sera mal venu de créerr un conflit diplômatique alors qu'elle est occupée à rencontrer son enfant. Je quitte s'implement la salle, prétextant froidement aller m'occuper du bébé d'à côté.

Avant de pousser la porte de l'autre salle je prends quelques secondes pour me calmer et faire l'étudiante sage-femme contente qui va faire les premiers soins au bébé qui fait gouzi gouzi. Le masque mis, je retrouve la deuxième pare. Je mets le clamp de Barr, recoupe le cordon à bonne distance, etc etc... Une fois terminé je retrouve la sage-femme. Entre-temps la primipare a délivré, le gynécologue s'est barré sans suturer sa "large" épisiotomie. Du coup la sage-femme s'y colle et me laisse seule avec la patiente pour suturer la peau.

Cette dernière me parle alors. Me dit qu'elle ne comprend pas trop ce qui s'est passé. Je n'ai pas vraiment envie d'expliquer le fond de mes pensées, à quoi ça lui servirait, là, maintenant ? Je laisse malgré tout échapper un "moi non plus". Puis je noie le poisson, un peu. Une fois la patiente transférée dans le service, je parle de tout ceci à la sage-femme. Elle me dit que ce gynécologue est connu pour faire plus ou moins foirer les choses. C'est ainsi. Je me dit que JAMAIS je n'irai travailler dans cet hôpital. Lorsque j'ai appris qu'il avait (enfin) pris sa retraite. J'étais soulagée pour les femmes du coin.