• Derniers joursIl ne me reste plus que quelques heures à effectuer à l'hôpital pour peut-être ne plus jamais y revenir. On verra. 

    Les raisons sont diverses et je ne vais pas m'y attarder. On dira que j'ai raison. Ou que c'est pas vrai. Que c'est normal de gérer les coûts. Mon job se réalise malgré tout dans le soin. Et non dans le fait m'excuser continuellement auprès des gens de les foutre dehors, de leur faire attendre une chambre. De répéter que le Docteur passera plus tard parce qu'il a 48646 trucs à faire avant et que oh wait, ce sera l'interne premier semestre pas séniorisé parce que le sénior qui est en fait le jeune chef de clinique, on lui a refourgué d'autres trucs à faire en plus du service et que le Praticien Hospitalier il tient les murs ailleurs, ou bien, à la fin, il se barre aussi. Pour de bon. Et puis le Professeur, il a sans doute réunion.

    Râler sur ça reste futile. Ça se sait. De tout le monde. Soit on l'accepte en faisant avec, soit on le cultive. Simple volonté politique.

     

    Lorsque j'ai commencé les études de sage-femme j'ai rapidement vu que la frontière se faisait mince entre, soyons dramatique, le Bien et le Mal. Il est facile d'être rempli de bonnes intentions au lever, de se dire qu'on va bien travailler, être attentif, être rigoureux. Et puis dès 8h05 tout s'envole. Le téléphone vous hurle dessus toutes les 30 secondes, la place manque, les collègues n'ont pas 10 bras, les lits superposés sont encore interdits aux patientes. On en fait fi ! On arrondit tous les angles, ça se verra presque pas qu'on a juste qu'une envie, se mettre en boule dans un coin pour se balancer d'avant en arrière.

    Mais au début ça passe. Easy. Le métier de sage-femme, pour ce que j'en connais, m'a appris énormément de choses. Sur les gens, sur moi. Une énorme richesse de mondes, de situations, de gestion de crises. Des années où j'ai épongé les meilleures joies, les pires peines. Des années où je me suis confrontée à la violence, la violence légitime, la violence pathologique, la violence gratuite, la violence institutionnelle et même celle qui t'amène dans les locaux de la BAC pour une déposition.

    Pour faire ça et le faire bien il faut être serein, solide, à l'aise et croire à ce qu'on fait. Sinon, et je parle pour moi, on le fait mal.
    Je peux m'habituer aux conditions difficiles, aux conditions maltraitantes, à faire au mieux avec les cacahuètes qu'on nous jette, je suis payée pour ça. Ça demande de switcher off. De prendre garde après garde et d'accepter de ne pas donner leur meilleur de ce qui est faisable dans un monde non pas idéal mais... juste selon mes propres convictions.

    Mais j'ai pas envie de m'y habituer. Je ne veux pas me détarer. I quit. For now. Ça changera peut-être un jour. Comme dit plus haut, simple volonté politique.

     

    Quoi qu'il en soit après des années de Blog, des années sans article aussi. J'avais envie d'en faire part.

    Des années sans article... pas parce que je n'avais rien à dire, au contraire. Je ne voyais pas comment écrire sans trahir les gens, les situations, les émotions. Les patients passent. Une garde, deux peut-être. Notre rôle de professionnel est d'être là au mieux et parfois oui, ça donne envie de les raconter. Parce qu'ils sont beaux, parce que c'est dur et parce que la vie reste dégueulasse. Mais ils ne demandent rien. Pas à faire des views, des commentaires, des "wahou keske ct dur", on tape sur un clavier et alors ? Le sourire de Mme Bidule que je retrouve en fin de grossesse après multiples périples il est mieux sur Internet ou dans ma tête ? Pourquoi je le monétiserais en popularité ? Pour lui rendre hommage ? Quel hommage ? Elle qui ne le verra jamais parce que anonymisation. Certaines histoires, les meilleures, ne sont pas faites pour être écrites, tout juste murmurées au coin du feu.

    Et alors, pourquoi écrire les autres, plus sages ?

     

    Nous verrons donc bien ce qu'il adviendra de moi, de cet espace, en dépit de toutes les règles de bonne tenue éditoriale.  

     


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