• Je l’ai déjà dit l’essentiel n’est pas toujours dans le faire. C’est ainsi qu’un des accouchements les plus sympathiques auquel j’ai participé se révèle être un accouchement où je n’ai rien fait.

    C’était un quatrième bébé, un travail plutôt long et douloureux pour cette femme sans péridurale. Avec la sage-femme on s’attendait à tout moment à ce qu’elle passe de 3cm bébé super haut à dilatation complète, bébé sur le périnée, comme savent si bien le faire les multipares. Nous accourions donc à toute vitesse chaque fois qu’elle sonnait pour…..le monito qui sonne, la tension qui déconne etc…

    Depuis une heure elle semblait plus algique, ça n’allait pas tarder, d’ailleurs la table était prête, si seulement son col voulait « lâcher ». Je passe de plus en plus de temps avec elle, parce qu’elle a mal, parce qu’elle sent que ça pousse, que ma dernière accouchée vient de retrouver sa chambre.
    7h30, je me dis que ça serait bien que le bébé descende maintenant ou plus tard mais pas pendant la relève qui se profile doucement. 7h45, ma sf est occupée avec une autre femme, je vais examiner « la mienne » juste avant que les filles du jour arrivent. 5cm, bébé presque fixé dans le bassin, chouette c’est un peu mieux. Elle sent que ça pousse un peu plus. Je reste avec elle, je flaire que ça s’accélère: elle est de plus en plus algique, les sf font la relève, pas envie de la voir accoucher seule.
    Une keupine passe me voir, elle a fini ses transmissions, je lui demande de rester en attendant que les sages-femmes arrivent. Puis « ma femme » me dit que ça pooouuusse et qu’elle sent que le bébé est là. Je dégaine un doigtier, 9cm, puis très vite je sens la tête qui descend et se retrouve sur le périnée. Gredine. J’avais prévu le coup, je demande des gants à keupine incrédule, je sonne, les sages-femmes arrivent me retrouvant entrain de retenir une tête avec un doigtier sur une main, un gant dans l’autre. Ca laisse le temps à la vraie sf de s’installer et à la femme de m'attraper la main
    Je décide alors de rester là, je ne suis pas à un accouchement près, pas envie de lui arracher ma main pour me « ganter ». Je profite juste du moment en la guidant un peu.Quelques minutes après, bébé nait et tout le monde est très content.
    C’était différent d’être là, de ne pas faire et que ça se passe bien. Confortable même.

    Après les au revoir de circonstance je quitte donc ma garde quelque peu électrisée. Ca m’a rappelé pour quoi le bloc accouchement c’est bien. Ces petits moments d’excitation où tout s’enchaîne dans une physiologie parfaite. J’aurais pu partir en laissant cette femme à 3cm triste de la voir souffrir, et finalement je me couche avec un soleil déjà bien levée heureuse de l’heureuse conclusion des choses.


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  • Lorsqu’on est diplômé, que des étudiants sont présents dans notre maternité, fatalement arrive un jour où on doit les encadrer. Lorsqu’on est encore étudiant mais un peu plus grand, qu’il y a 363563 étudiants pour 0,564 sage-femme on essaye de faire au mieux, de prendre son prochain par la main, de le guider vers la voie de l’illuminée connaissance pour ne pas le retrouver perdu dans un coin, rouge de s’être fait disputé.

    C’est ainsi que je me suis retrouvée quelques fois à voler (oui je vole, on a la classe ou pas), entre mes patientes, celles des esf plus jeunes et à leur dire (pas que) des conneries. Mais piouf, c’pas si évident. Se rappeler en 1ère année qu’est-ce qu’on est censé apprendre, en 2ème année ce qu’on sait pas encore bien…..et pourtant pour moi ce n’est vraiment pas loin, je suis en plein dedans. Alors des fois, on se retrouve face à des trucs basiques comme emmener un pitit étudiant pour lui apprendre à poser un monitoring, récapituler comment on pose tel ou tel dispositif dans les règles de l’art…
    Des fois c’est plus tendu « ma patiente me dit çaaaaaa, est-ce que je fais machin ? » alors que toi sa patiente tu ne la connais pas. On furette alors dans le dossier, si c’est basique on peut donner un avis, sinon, on attend que la vraie sage-femme soit disponible. Quoiqu’il en s’il y a un problème je conseille quand même de dire que « c’est moi qui ait dit » c’pas sympa d’avoir des remarques parce que t’as suivi l’avis de quelqu’un qui n’en sait pas beaucoup plus que toi…mais bon ils ne le font pas >_<.
    Et parfois on est un peu démuni: «comment j’annonce à ma patiente que *insère ton truc pas super gai ici* ?» La chose que déjà toi-même tu ne sais pas. On a bien des cours hein, j’ai un poly tout bien fait avec pleins de théories psychanalitiques et autres courant. Ca aide vachement au quotidien*toussotte*. On fait alors au feeling, on accompagne l’esf pour lui donner de l’assurance, on rattrape derrière s’il s’embourbe, ne sait plus trop quoi dire. Du moins on essaie.
    Parallèlement à ça il faut gérer nos propres femmes (et sages-femmes hehe) car nous aussi sommes de pauvres petits esf sans défense. Et avec les années il y aura de moins en moins de gens pour nous protéger, nous trouver mignon avec notre biberon de lait (maternel maternel, ne me frappez pas).

    Alors encadrer ça ne coule pas toujours comme le ruisseau au milieu des montagnes verdoyantes, mais ça fait aussi parti des choses à apprendre. Puis si on a du mal avec les étudiants, ces personnes chiantes qui posent trop de questions, ou alors sont trop en retrait, ou malhabiles, bref jamais comme il faut, sachez qu’ils seront quand même ravis de ne rien apprendre tant que vous restez aimables…enfin le ravissement a ses limites.


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  • Je déteste les vestiaires. Mais je trouve que c’est un lieu assez captivant.

    Déjà, plusieurs possibilités pour les étudiants.


    Tu peux te changer au milieu des solutés, des compresses et des bassins, dans la réserve, en priant pour que personne ne débarque et ne te voie en petite culotte… Tu mets ton sac au dessus des pistolets en priant pour que personne n’aie l’idée de te piquer tes fringues… Bref tu te sens un peu exclue de la société et remisée à la cave.…


    Des fois tu as le droit à une réserve avec des casiers. Même si les AS peuvent toujours rentrer en trombe, soumettant ton soutif au regard des éventuels passants du couloir. Mais au moins, tu as le privilège de mettre tes affaires au chaud pour peu que tu aies la bonne idée d’amener un cadenas.


    Ou alors, luxe absolu, on te met dans le vestiaire collectif ! Oui oui, l’endroit où les vraies infirmières se changent aussi ! Même si tu dois aller pleurer à chaque passant en blanc pour avoir la clé ou le code, tu es comme le commun des mortels youpi ! Des fois, ya même un casier avec écrit « stagiaire » (mais bon, ya déjà 5 stagiaires dans le service donc voila, mais au moins, on sent qu’il y a eu un geste…). Pis alors le top du top, c’est quand en plus ya une glace ou tu peux te regarder dedans pour voir si tu es présentable !!


    C’est rigolo, parce qu’avant même de connaître les gens avec qui tu vas travailler, tu les vois à moitié à poil. Tu connais pas leur prénom, mais tu sais si ils accordent leur sous-vêtements (indice précieux). Moi qui suis ultra pudique, c’est une véritable épreuve à chaque fois que je dois montrer mon ventre qui hélas n’est même pas bronzé. Surtout qu’en général, les gens se retournent pour te parler pile au moment ou tu n’as pas envie qu’on te regarde. Pis alors le mieux c’est quand les vestiaires sont mixtes. Une fois il a fallu que je me change à coté de mon cadre moustachu en essayant de tenir une conversation le plus naturellement du monde. Mais j’ai développé une manière assez habile ma foi de me changer le plus rapidement possible et en arrivant à me dénuder le moins possible. J’ai une technaïque d’enfer, même pas peur !

    C’est aussi là qu’on peut se rendre compte que tous les fantasmes véhiculés sur les infirmières n’ont aucun fondement. Oui, aujourd’hui messieurs, je vais tout vous dévoiler ! Et finalement il n’y a pas grand-chose à voir, les tenues étant blanches, la plupart des infirmières non nymphomanes n’ont que des sous vêtements chastes et invisibles. En ajoutant des bas de contention, parce que piétiner toute la journée, bah au bout d’un moment ça fait mal hein. C’est moche mais on n’aura pas de varices à 40 ans, nous.


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  • Alors, vous me voyez grogner ici à propos des sages-femmes bouh elles sont méchantes, bouh bouh bouh. Vous me voyez peut-être pester à propos des patientes, bouh quelle idée pour une femme enceinte de débarquer à la maternité pendant l’heure du café. Vous me voyez également ronchonner à propos de la gestion de la santé et des conditions de travail, boooouh comment on fait lorsqu’on a une poche ventrale et 3 téléphones ?

    Mais nous vous inquiétez pas, je hais également les étudiants sages-femmes. Plus certains que d’autres. Notamment ceux qui vont au crit’ pendant que je suis en garde ^_^ mais plus particulièrement ceux qui sont extrêmement zélés qu’on dirait qu’ils se jetteraient dans un gouffre rempli de crocodiles pour faire plaisir à la sf. Ils arrivent le sourire aux lèvres mais il te semble bizarre. Distribuent les situations en te faisant un faire un pseudo choix mais ils s’arrangeront pour avoir le truc dans lequel ils se sentent le plus à l’aise. Et tu les vois déambuler pendant la garde « dis sf je vais changer le Ringer ok? » « Oh t’as pas de stylo rouge attends » *court court, saute et glisse sur toute la longueur de la table pour atteindre la main de la sage-femme orpheline de stylo rouge*. Puis ils essayent de faire des blagounettes, pas avec toi hein, avec la sage-femme. En fait ceux sont des étudiants idéaux, ils travaillent, sont sympathiques, attentifs aux patientes…sauf que ça sonne faux, ça horripile. J’exagère peut-être, mais si certaines personnes dégagent quelque chose de bizarre, de pas tout à fait honnête, c’est qu’elles ne le sont pas.
    Alors objectivement on ne peut pas leur reprocher grand-chose, mais moi qui suis à côté je passe pour quoi? La méchante étudiante qui n’a pas pu faire un semi-marathon doublé d’un saut en longueur pour passer un stylo parce que j’étais soit occupée avec « ma » femme, soit entrain de faire mon partogramme? Je fais clairement moins de bruit et de rond-de-jambe. Ca me gave et ceux qui en font me gave. Je n’en suis pas pour autant plus désagréable.

    Je ne sais pas, peut-être ais-je tord? Et puis on nous bassine assez qu’il faut être tolérant…oui on nous le bassine mais en vrai qui l’applique? Je sais, c’pas une raison.


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  • Comme vous le savez, je suis hyper fière quand on se ballade, moi et ma blouse, dans les couloirs des hôpitaux (plus ils sont grands, mieux c’est, ça donne bizarrement l’impression d’être plus intelligente quand on se promène en blanc dans un super CHU).

    Pis un jour que je cogitais (j’avais rien d’autre à faire, yavait pas de Voici ni de Closer dans le service), je me suis demandé ce que la blouse représentait pour moi, et pour les autres. Voui j’aime les questions métaphysiques.

     

    Qu’est ce qui fait qu’avec la blouse, je me sens le droit de faire des soins comme la toilette, pose de sonde, ou même entretiens infirmiers, alors que sans elle je ne pourrais pas le faire (en dehors de l’aspect hygiène j’entends) ?

    Je me suis déjà retrouvée en face des patients sans blouse, et je ne me sentais plus légitime, je n’étais plus mon MOI professionnel, mais mon MOI privé (oula qu’est-ce qu’elle nous raconte l’autre ?). Et j’ai eu du mal au début.

    Bref j’ai fait quelques petites recherches là-dessus, et je suis tombée sur toute une symbolique que je n’attendais pas aussi vaste. Mais je la trouve passionnante alors je vous fais un peu partager…

     

    D’abord, la blouse représente l’expression des connaissances du soignant, de son activité, son pouvoir, et l’image de l’hôpital. Elle sert de cadre de référence à l’IDE et de repère au malade. Elle permet de différencier chaque catégorie de professionnels.

     

    Ensuite elle met en lumière la position de domination du soignant en représentant l’institution, la thérapeutique. Le patient devient ainsi un objet passif de soin (le soignant sait, le patient doit se laisser faire).

    Elle représente la technicité, les soins, qui peuvent être potentiellement douloureux, et peut donc susciter des réactions négatives de la part du patient (peur, refus).

    Elle peut aussi mettre en confiance et rassurer : le patient idéalise le soignant et lui témoigne un respect inconditionnel.

     

    Les soignants sont également protégés par leur blouse.

     « Prendre soin des malades nous renvoie à notre propre fragilité ».

    La blouse sert d’interface entre le soignant et le soigné. Elle montre à l’autre ce que nous voulons lui montrer et ce que nous voulons être devant lui. C’est un système de protection de notre individualité et un support de l’illusion. Elle empêche l’intrusion et les agressions de l’autre en nous mettant à distance.

    La blouse est ainsi une barrière protectrice du psychisme, elle ne laisse pas échapper les émotions, les angoisses, et nous laisse apparaître sereins. Pour ne pas devenir visibles de peur de perdre toute crédibilité.

     

    Blouse qui instaure une distance : elle protège d’une trop grande proximité psychique avec le patient et rappelle au soignant sa fonction de soignant, ce qui permet de maintenir une distance thérapeutique et protège le soignant d’un envahissement physique et psychique qui pourrait être débordant. La blouse cache l’intimité, met une distance pour éviter la familiarité, une relation trop intrusive.

     

    Blouse faisant fonction de masque : elle reflète un changement d’état, rassure le soignant, lui donne une certaine autorité sur le soigné, peut lui permettre de jouer un rôle, de cacher son insuffisance et de tromper (ce qui est d’ailleurs très utilisé par les étudiants infirmiers, qui n’ont aucune expérience au début mais se situent déjà en tant que soignants, ils faut bien qu’ils fassent illusion…).

    La blouse masque, déforme, transforme.

     

    Et ce que je trouve le plus intéressant :

    La tenue reflète le changement d’un état, le passage d’un MOI à un SOI, d’un ETRE à un PARAITRE.

    Quand on met la blouse, on n’est plus soi, mais un professionnel. On change d’apparence, d’être, on n’est plus le même que dans la vie privée.

     

    Je trouve tout ça intéressant à méditer…

    Je vois maintenant dans ma blouse autre chose qu’une fringue super sexy avec laquelle je peux frimer faire mon travail.

    C’était la minute philo du jour, mille excuses pour ça !

     


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